8°6 CREW

Tiré de « Une vie pour rien ? » l'additif 5.1 -Avril 2003

Dans le numéro 5 du zine, nous avions parlé des groupes parisiens qui arrêtaient puisqu'ils étaient nombreux (et de ceux qui commençaient également !). En juillet, un peu après, ça a été au tour de 8°6 Crew de faire son dernier concert, pour l'instant du moins. Comme c'était le groupe que nous apprécions le plus dans la scène parisienne et même plus, et vu que l'interview que nous avions faite d'eux datait des tous débuts du groupe, on s'est dit que ça valait le coup de poser quelques questions à Charly, leur chanteur.

Vous avez plus ou moins arrêté en juillet avec un concert à l'Ile d'Oléron, pourquoi ?

Il y avait pas mal d'affaires qui traînaient au sein du groupe, on n'avait pas de manager, et on commençait un peu à tourner en rond et à se prendre la tête sur des trucs pas directement liés au groupe. On a préféré donc arrêter, régler les problèmes, et prendre le temps de souffler. On a plein de compos qui sont restées inédites, il faudrait maintenant trouver une bonne raison de se réunir pour rejouer ensemble. Tu ne peux pas faire de la musique quand il y a plein de trucs qui te cassent la tête.

Par rapport à d'autres groupes comme Western Special, Rude Boys System, ou K2R, vous n'avez vraiment profité de la « vague ska » alors que vous avez commencé à la même période et vous aviez également du public.

Oui, à la base ils ne jouaient pas forcément mieux que nous, mais ils ont fait un choix, et ils ont bossé dur, ils se sont bien entourés car ils savaient ce qu'ils voulaient faire et je les respecte beaucoup. Nous on n'a pas fait de plan de carrière. Si, un moment, tu te retrouves dans des grosses salles à prendre des cachet plus ou moins importants, tu ne peux pas faire comme si tu étais foncedé dans un squat, tu peux avoir à faire à des gens qui ne seront pas forcément bourrés à la fin de la soirée. Tu viens pour faire un truc clean. Et puis il faut progresser en permanence. Dans tous ces groupes, ce sont des gens qu'on a connus avant qu'ils fassent les groupes, on sait que ce n'étaient pas des professionnels à la base, on faisait tous ça à la punk, chacun fait ce qu'il peut. Mais après c'est vraiment le travail et l'ambition. Personne ne nous a vraiment mis de bâtons dans les roues, on ne s'en prend qu'à nous-mêmes. Bon est tombé quand même sur de sacrés rigolos, les managers à chaque fois, ça ne nous a pas avantagés… Un truc par rapport au ska aussi, c'est qu'on a vraiment pas choisi ça parce que c'était la vague montante, c'est vraiment parce qu'on a plus trouvé le feeling sur scène en faisant ça plutôt que la oi !.

C'était le seul groupe vraiment connoté skin aussi. Est-ce que ça vous a fermé des portes ?

Non, ça ne nous a jamais vraiment fermé de portes (ou alors on ne sait pas car on n'a jamais été derrière la porte). Quand il y a un groupe avec des skins ils sont tous au courant et c'est un public fidèle mais on n'est pas resté enfermés dans un public skin, même s'ils étaient toujours au premier rang.

Et est-ce que ça vous apporté ou ça vous a porté préjudice de sortir sur Mad Butcher, un label étranger, pour votre premier album ?

Ça a été plutôt bien, ça nous a fait exploser, car sans lui on n'aurait pas sorti l'album dans les mois qui suivent, si on avait dû s'autoproduire. Il nous a permis aussi de tourner en Allemagne, donc pour la réputation du groupe, il nous a beaucoup apporté. Après pour le préjudice financier, il nous a carotté. C'est un faux coco mais un vrai magouilleur. Sinon le fait que l'album soit sorti à ce moment-là, c'était bien et pas bien car on n'était pas assez au point techniquement, ça a été assez vite fait, et à l'époque on n'avait peut-être pas assez de recul pour dire si c'était bien ou pas.

Et pour le deuxième vous avez eu du mal à le sortir ?

C'est pareil, on a pris la première personne qui nous a proposé au lieu de démarcher et de choisir.

Tu penses qu'il faut forcément être encadré lorsqu'on fait un groupe ?

Pas forcément, certains groupes s'autoproduisent, gèrent la plupart des trucs au sein du groupe, et ils y arrivent très bien. Mais nous on n'a jamais été très doués pour ça.

Vous avez fait des dates devant plus de 500 personnes, qu'est-ce que ça fait de chanter des choses personnelles devant tout ce monde, comme « Numero 1 » par exemple ?

Ça fait plaisir de dire des choses vraiment personnelles à autant de monde. Plein n'y feront pas attention, mais je sais que même si c'est ton truc à toi, d'être ado, de partir en virée sans savoir ce qu'il y aura plus tard, tout le monde l'a vécu aussi, je pense. C'est également une façon de parler aux gens.

Beaucoup de gens se sont retrouvés dans les textes de 8°6, peut-être plus que dans pas mal de groupes oi ! ou ska aux textes plus bateaux mais bien plus décalés aussi, non ?

Ce n'est pas « Moi j'ai vécu ça, ceci cela », c'est plus moi j'ai vu ça, et toi tu l'as déjà vu ? Qu'est-ce que tu en penses ? On dit des trucs qui nous marquent, mais ça ne marquera pas tout le monde.

Et le fait d'être de Belleville, Ménil, c'était important ?

Oui, bien sûr, il y a des trucs qui se passent à Belleville qui ne se passeraient pas autre part. Ou pas de la même manière, chacun sa spécialité ici c'est nouille sautée là-bas mouton curry …On peut retrouver l'esprit de quartier à d'autres endroits, salut à Gégé de Montmartre ! . Mais c'est vrai qu'à Belleville tu ne t'ennuies pas, c'est le cirque…une ménagerie de rockers.

Il y a des regrets d'être parti des squats pour arriver à jouer devant 900 personnes à la Flèche d'Or et de splitter un mois après ?

Oui bien sûr, ça fait quelque chose de jouer devant autant de monde. Même si sur Paris, les premiers rangs c'était toujours les mêmes qu'au début, donc ça te remet toujours les pieds sur terre quand tu vois les têtes devant qui rigolent ou qui chantent et qui connaissent les paroles mieux que toi.