EVILCONDUCT

Tiré de « Une vie pour rien ? » n°5-Mai 2002

Evil Conduct, vieux groupe oi! hollandais qui avait sortit un 45T dans les année 80 se sont reformés il y a trois ans, quelques années après la réédition de leur 45T et de 4 titres de leur démo sur un autre EP. Ils ont depuis sorti un excellent album “Sorry...no”, pure oi! au son anglais début 80 sur lequel beaucoup de monde a accroché. On a posé quelques questions à Hans, le batteur (qui faisait également le zine “aggro international”) même si le courrier n'est pas la meilleure façon de faire une interview.

Apparemment, vous avez arrêté le groupe en 1988 suite au manque d'intérêt du public. Aujourd'hui, cela a-t-il changé ? Avez-vous plus de réactions, d'opportunités, et d'intérêt de la part du public ?

Je ne peux pas dire que c'était par manque d'intérêt du public. C'était plutôt dû à un manque d'intérêt des organisateurs et au manque d'endroits où jouer. L'âge d'or du punk et de la oi! était passé et la seule chose dont les médias parlaient à propos des skinheads était la merde politicienne. Ça n'arrangeait rien lorsque nous cherchions une date de concert. Depuis que nous nous sommes reformés, et même avant ça, nous avons eu de bonnes réactions. Nous avons à présent, à notre goût, assez de possibilités pour jouer même si nous ne jouons pas énormément mais il y a à cela deux raisons: nous n'avons pas le temps de jouer toutes les semaines, et puis de toutes manières, quand tu joues trop souvent dans la même région, il y a un phénomène de lassitude.

Faire un groupe oi ! à presque 40 ans pour certains, on ne doit pas avoir les mêmes motivations qu'à 20 ans. Qu'en est t'il ? Quelles étaient vos motivations à l'époque et quelles sont-elles aujourd'hui ?

Nous avons la même motivation: essayer de s'amuser, de faire prendre du bon temps aux gens qui viennent nous voir, et de montrer notre rejet de l'ordre établi. Avant, le groupe était probablement plus important pour nous, parce que c'était tout ce que nous avions. Nous étions au chômage ou alors à l'école et nous ne pensions pas avoir de futur. Pour nous, le groupe était un moyen d'exprimer ce qu'on ressentait et de gueuler contre l'establishment. Aujourd'hui nous sommes toujours anti-establishment, nous voulons toujours nous amuser mais nous essayons aussi de montrer comment la scène oi!/ skinhead, qui a bien changé au fil du temps, était au début, avant qu'elle ne soit influencée par toute cette merde hardcore.

Cela n'a pas posé de problèmes de reprendre des textes écrits il y a 15 ans, il n'y en a pas dans lesquels vous ne vous retrouviez pas ? Quand vous chantez " the new breed " par exemple, ça doit faire bizarre, non ?

Nous ne jouons pas tellement de chansons que nous avons écrites au milieu des années 80, et nous nous retrouvons toujours dans les paroles. " New Breed " a été écrite à la fin des années 90 et parle du fait que nous faisions partie, en tant que personnes, de la nouvelle vague du début des années 80.

Est-ce que vous pouvez nous parler de vos textes d'ailleurs puisqu'ils ne sont pas dans le LP ? Vous n'y attachez pas d'importance ?

Nous parlons de pas mal de choses en rapport avec le " way of life " skinhead et la façon dont nous voyons les choses. Nous n'avons pas pensé avoir besoin de mettre les paroles dans le LP. Pourquoi le devrions-nous? Parce que tout le monde le fait de nos jours? Ce n'est pas une raison. Si tu écoutes attentivement tu comprendras facilement de quoi nous parlons. Ceci dit, les paroles de notre nouvel album figureront sur la pochette.

La Hollande est connue pour ses groupes de ska, ou maintenant de HC plutôt que pour ses groupes punk ou oi !. Pourquoi à votre avis il y a toujours eu moins de groupes punk et oi ! que dans les pays voisins ?

Je n'en n'ai pas la moindre idée. En Hollande nous avions tendance à reprendre les trucs anglais rapidement mais je ne sais pas pourquoi il y a eu aussi peu de groupes oi!. Il y avait ceci dit de nombreux groupes punk en Hollande à la fin des années 70 et au début des année 80 en Hollande. Peut-être le besoin de former nos propres groupes était moins grand parce qu'il suffisait de prendre le ferry pour aller voir les groupes en Angleterre.

Comment avez-vous connu cela, vous, vous étiez plutôt précurseurs dans votre pays ?

Et bien, tout a commencé en voyant les Specials à la télé. C'était quelque chose tout nouveau, nous n'avions jamais rien vu de semblable avant et nous avons tout de suite aimé ça. Nous avons tellement aimé que le lendemain, nous sommes allés chez le coiffeur nous faire couper les cheveux. Nous ne connaissions rien des skinheads à l'époque. Et puis, petit à petit, nous avons appris de plus en plus, les fringues, les chaussures, la musique... A cette époque, il y avait pas mal de skins en Hollande, dans les plus grandes villes, il y en avait des centaines.

Vous avez un son très années 80 aujourd'hui encore : brut, simple et efficace. Est-ce que des groupes récents ont accroché à vos oreilles ?

Oui, il y en a beaucoup: Superyob, the Skinflicks, Real McKenzies, US Bombs, 4 Promille, Dropkick Murphys.

Aujourd'hui, de nombreux groupes anglais se reforment. En avez vous vu (et à l'époque ?) ? Cela vous intéresse t'il ?

C'est bien tant que les raisons sont correctes. Si un groupe se reforme uniquement pour faire de l'argent, il ferait mieux de laisser tomber.

Est-ce qu'il y a des groupes avec lesquels vous aimeriez particulièrement jouer ? Des souvenirs de concerts particuliers, bons et mauvais ?

Oui, il y en a un, Cock Sparrer. Mais nous avons apprécié de jouer avec la plupart des groupes avec qui nous en avons eu l'occasion. Je suppose que chaque concert a ses bons et ses mauvais côtés, mais notre voyage en Italie est un souvenir vraiment spécial. C'était en février 2001, nous pensions aller au soleil. Mais nous nous sommes retrouvés pratiquement morts de froid à passer la nuit dans un chalet sans électricité ni eau chaude au beau milieu d'une montagne enneigée. Quelques heures plus tôt, nous avions offert à un public qui n'avait jamais entendu parler de nous notre savoureux cocktail hollandais et ils ont adoré ça! Voilà pour les bons et mauvais souvenirs!

Hans, tu es tatoueur professionnel, quels sont les motifs que tu préfères tatouer ? Tu dois souvent faire les même motifs pour les skins, non ? Ce n'est pas un peu lassant ?

Je préfère le style traditionnel, les coeurs, les ancres, les roses, les tombes de marins, les hirondelles, etc. J'aime aussi les motifs japonais. Par contre je déteste véritablement le tribal qui semble être à la mode en ce moment. Sinon, il n'y a pas beaucoup de skinheads dans notre coin, donc je ne fais pas de tellement de tatouages typiquement skinhead.

Sinon, le tatouage est plutôt à la mode en ce moment, tu vois ça d'un bon oeil ?

Il y a quelques années, les gens tatoués étaient différents du pékin moyen. Ils n'avaient pas seulement cette marque permanente sur la peau mais ils vivaient souvent en marge de la société, ils étaient anti-establishment ou peut-être faisaient partie d'une sous-culture particulière. Ils avaient tous leurs propres raisons de se faire tatouer. Maintenant, apparemment c'est devenu une sorte d'accessoire à la mode. Les pires chochottes, blaireaux et branleurs veulent un tatouage (un tribal bien sûr). C'est bon pour les affaires, mais ça enlève un peu de la magie du tatouage qu'il y avait avant.

Dans ton zine, un grand article est consacré au témoignage d'Allan, ancien skin anglais en 69. Comment l'as-tu rencontré ? Est-ce que la rencontre a été instructive pour toi qui es skin depuis pas mal de temps et qui a dû te forger ta propre identité, probablement assez loin de sa vision du truc (c'est peut-être mieux comme ça d'ailleurs)?

Alan a rencontré Han à une convention de tatouage. Quand Allan a vu Han, il a immédiatement pensé à la chanson des Piglets " Johnny reggae ". Après avoir vu le dos de Han (le groupe de skinheads de la pochette du " Skinhead Moonstomp " de Symarip), il est allé le voir et lui a parlé de ses années où il était skinhead. La plupart des choses qu'Allan nous a dit ont confirmé ce que nous savions déjà. Il y avait quand même quelques détails que nous ne connaissions pas, même après avoir été skinheads depuis 20 ans. C'est vrai, les skinheads des débuts étaient différents des skins du début des années 80, eux-mêmes différents des skins d'aujourd'hui.

Dans son témoignage, Allan dit qu'à cette époque, quand tu avais 18 ou 19 ans, tu étais trop vieux (pour être skin), " time to go with a girl and settle down and do your own thing ". Comment vous réagissez, toi et Ray, qui êtes skin depuis un moment ? Qu'est-ce qui vous fait que vous soyez restés skins aussi longtemps et que vous le soyez encore ?

Vu le contexte et la mentalité au début des années 70, je pense qu'il n'y a rien de surprenant au fait que les gars lâchaient l'affaire passé 20 ans. Mais je sais qu'il y en a pour qui ça n'a pas été le cas. Nous avons vu tellement de gars passer et s'en aller depuis 20 ans. Peut-être que maintenant les gars lâchent l'affaire à 25 ans au lieu de 20 ans mais, dans un sens, c'est toujours la même chose. Et il y a toujours quelques gars qui restent. Si je suis reste skinhead, c'est parce que j'aime tous les aspects de cette culture, les fringues, la musique, l'attitude, etc, même si au fil des ans pas mal de choses se sont dégradées. J'adore le style 100% British working class cult, sans aucune influence américaine.

Vous avez l'air d'apprécier beaucoup le reggae. Qu'est-ce qui vous a poussés dans ces conditions à monter un groupe de oi ! ?

Nous avons formé un groupe de oi! parce que nous ne savions pas jouer quand nous avons commencé et nous avons toujours du mal d'ailleurs! Le ska/ reggae réclame bien plus de talents musicaux. Je pense d'ailleurs que c'est une des principales raisons d'être de la oi!, à ses débuts.

Un ex-skin grand amateur de reggae me disait qu'il était dommage de ne s'intéresser qu'à une certaine période de l'histoire du reggae alors que des disques/ artistes au son similaire et de qualité au moins aussi bonne avaient été produits plus tard. Qu'en pensez-vous ?

Je pense qu'il a raison. Je m'intéresse à la bonne musique, pas à une certaine période. Mais bon, il y a une période dans l'histoire du reggae, en 69-70, où il y a eu un paquet d'excellentes chansons skinhead reggae. Il est donc facile de trouver des bons disques en se raccrochant, par exemple, à la date de sortie du disque. Si tu vas à Daddy Cool à Soho et que tu trouves un disque Trojan ou Pama de 1969, tu as 9 chance sur 10 d'avoir un bon disque.

Pour finir, est-ce que vous connaissez quelque chose à la France ?

Oui, nous connaissons pas mal de choses en France. Napoléon a envahi la Hollande il y a quelques temps, tu te souviens? Du pain, du vin, du boursin. Nous connaissons le vin, les jolies filles, " soixante neuf " (ndb: en Français), Edith Piaf (pas vraiment une jolie fille!), Citroen, Peugeot, Renault, Bernard Hinault, Arsenal, Centre Pompidoupidipou...