MUSIC AND FOOTBAL, A WAY OF LIFE?

Cet article a été écrit pour le fanzine relativement confidentiel des suppras Auteuil, groupe de supporters du Paris St-Germain, puis arrangé pour le magazine ultra « Le douzième homme » de mon ami Matthieu (co- rédacteur d'uvpr ? jusqu'au numéro 4). Matthieu ne l'a pas publié finalement, l'article ayant été publié par « erreur » au préalable dans un autre fanzine .

Le football et ses supporters n'ont pas toujours été à l'honneur du rock et de la musique grand public en général, il faut croire que les chansons d'amour se vendent mieux, et ce n'est pas à la FNAC que vous pourrez trouver des chansons qui évoqueront les derniers samedis soirs passés avec les potes et tous les autres dans les travées du parc ou d'un autre stade. Par contre, le punk la oi ! en particulier ont toujours été liés à la culture foot. Pour comprendre pourquoi, il est nécessaire de revenir quelques années en arrière :

Il y a maintenant plus de 30 ans (l'année symbolique qui marque la réelle explosion est 1969), les skinheads apparaissent. Loin de la caricature qui est diffusée dans les médias traditionnels, les skinhead ne sont à l'époque pas des nazis décérébrés qui ne pensent qu'à aller ratonner le samedi soir. Ce sont des jeunes prolétaires anglais, lassés des pseudos révoltes des petits bourgeois hippies, qui chercheront leurs influences au contraire dans les cultures mods (jeunes prolos qui depuis le début des 60's singent les bourgeois en se faisant tailler sur mesure des costards italiens ou en frimant en scooter), rude boy (jeunes immigrés jamaïcains, un peu voyous, qui écoutent du ska, l'ancêtre du reggae, et passent leurs soirées à danser dans les sound system) et les boot-boys (ou bovver-boys, en grosses chaussures de travail et bretelles, les hools de l'époque). Ils n'ont rien de racistes, et si au cours des années 80, une partie des skinheads a été récupéré par des mouvements d'extrême droite et que c'est cette partie qui fait de loin le plus parler d'elle, il a toujours existé une partie non négligeable (aujourd'hui plus que jamais) de skinhead non- racistes ou anti-racistes, nous ne parlerons que de cette frange là et des groupes la concernant. Les skinhead donc passent leurs journées à traîner les rues ou travailler, le soir vont en sound system écouter de la musique jamaïcaine et danser comme des fous, et bien sûr, le samedi, ils vont au match de foot, partie intégrante de la culture prolétaire anglaise. Ils s'y montrent d'ailleurs très violent (la violence urbaine répond à la violence sociale et économique) et seront très vite montrés du doigt par les médias, notamment au cours de l'année 69 où les incidents se multiplieront de ce fait. Des artistes jamaïcains leur consacreront des chansons comme le titre « Hooligan, make up your mind » de John Holt/ The Paragons ou « Hooligan ska » des Wailers (et oui, Bob Marley a fait du ska avant de se barrer dans les délires rasta mais ces titres ne sont généralement pas sur les disques « grand public » où on retrouve toujours les 10 mêmes titres vus et revus, pas forcément les meilleurs mais bon, ça passe tout de même mieux, les rastas, à la radio que les rude-boys) mais c'est surtout lorsque les skinheads commenceront à jouer eux-mêmes de la musique que les chansons parlant de foot apparaîtront en nombre.

En 79, il ne reste pas grand chose de l'explosion punk de 77. Pour certains, ce n'était qu'une mode comme une autre, notamment dans les salon mondains, d'autre prendront une orientation plus proche des hippies, très politisée. C'est alors qu'apparaîtra la deuxième vague skinhead dans la lignée de groupes ska comme The Specials ou Madness qui reprennent les classiques skinhead reggae avec une influence punk et donc un tempo bien plus rapide. Dans la foulée apparaît la musique oi !. La oi ! (de l'argot « ho, you » utilisé pour apostropher quelqu'un) est le nouveau punk, avec un retour aux racines ouvrières de cette musique, ce sera la musique de la rue. Le rythme est un peu plus lent et lourd que le dans le punk en général, et surtout avec en plus des gros chœurs inspirés directement des chants de supporters. La oi ! née dans l'east-end, quartier ouvrier de Londres où se trouve le stade de West Ham United. Le premier groupe oi ! sera Cockney Rejects qui sont en 1980 les premiers à utiliser le terme dans leur chanson « oi ! oi ! oi ! » : fidèles supporters de West Ham United (et pour l'un d'entre eux hooligan bien connu des services de polices), ces trois gars n'hésitent pas à afficher leur convictions footballistiques (pochettes des disques, écharpes aux concerts), ils ont plusieurs chansons à ce propos : « We are the firm », « War on the terraces », « West side boys » mais surtout « I am forever blowing bubbles » la reprise de l'hymne officiel du club. Ce 45T sera leur plus gros tirage, il leur vaudra d'ailleurs pas mal d'ennuis : un mois plus tard, lorsqu'ils jouent à Birmingham, les 200 skins présents, qui ne portent pas West Ham dans leur cœur, leur balancent tout ce qu'il trouvent, le concert se finira en baston générale. Ce genre d'incidents les poursuivra tout au long de leur carrière qu'ils durent arrêter prématurément de ce fait.

D'autres groupes mythiques de la même période font des chansons sur le foot : Cock Sparrer, un des groupes phare sera présenté dans NME (gros mag musical de l'époque) comme les West Ham bootboys avec photo devant Upton Park en prime, la pochette de leur 45T « Running Riot » (qui parle d'émeutes en général) est une photo d'un envahissement de terrain à Upton Park et ils ont sur leur premier album le titre « Trouble on the terraces ».

Business, groupe qui joue depuis plus de 20 ans sans avoir pratiquement jamais arrêté, a des chansons comme « Saturday's heroes » dès 81, hymne hommage aux fans de foot, « Viva Bobby Moore », « Maradonna » (« big shit », chanson anti-Maradonna bien sûr suite à la main au mondial 86), « Southgate 96 » sur l'Euro 96, il n'aurait pas dû le louper celui-là de Penalty le Southgate, il a dû en entendre parler : « Dance now wherever you will be, But he missed the fucking penalty, So we smashed up the town, Wherever we may be, Coz he missed the fucking penalty ». Micky Fitz, le chanteur du groupe, porte régulièrement depuis 20 ans le maillot de West Ham sur scène. Lors de leur dernier concert en France, à Beauvais en 1997 devant 700 personnes, ils ont dédié le concert à leur pote Fabian/ PSG (présent sur scène, ancien roadie du groupe au début des années 80 et souvent vu, y compris à la télé, avec les couleurs de West Ham…) et à tous les PSG boys.

Voilà rapidement pour les groupes anglais les plus importants et maintenant passons aux groupes français qui sont également assez nombreux à avoir fait des chansons sur le foot. Il faut savoir tout de même que pour une bonne partie, les membres ne sont/ n'étaient pas d'assidus supporters et ces chansons sont plus des hommages aux fans de foot que des chansons vraiment passionnées…

On commence avec le classique des classique, « Dans les tribunes » de Komintern Sect, l'hymne de ce groupe d'Orléans dont un membre fondera le label chaos productions qui sortira de nombreux disques références durant les années 80. La chanson reste un classique en France comme à l'étranger. A la même période et étroitement lié (ils sont aussi d'Orléans), Reich Orgasm font la chanson « Supporter », plus consacrés aux alcoolos dans les stades. Dans les années 80 toujours, un des groupes phares, l'Infanterie Sauvage, fera une chanson « Panem et circenses » qui parle entre autres de foot, mais de façon plutôt péjorative : « Donnez au peuple, du pain et des jeux… ». Swerwood Pogo, eux, au contraire, fréquentaient assidûment le parc, ils feront une chanson qui s'appelle « Paris SG », et leur album (sorti en 86) sera constitué d'une face Auteuil et une face Boulogne. SNIX, de Lille, un des groupes skinhead les plus connus des années 80 a sorti sur démo la chanson « Supporter ».

Bleach Boys , groupe normand très influencé par la mythologie Viking est un des seuls groupes skins français à avoir fait une chanson (sur démo) dénonçant le hooliganisme aveugle. La chansons, « Hooligan », est une adaptation musicale de « Bad man » de Cockney Rejects, et contient entre autres les couplets suivants : « Ta violence, abruti, est purement négative », « la foule est anonyme », « ta fierté, envolée, tu casses et tu te caches », « ta violence, celle des masses, est la violence des lâches ».

Molodoi, groupe formé par l'ancien chanteur de Bérurier noir sort au début des 90's une superbe chanson rock and reggae : « Hooligan ska (Les flammes de la joie) » et une chanson plus oi ! à la gloire des supporters, « U.H.T. ». Au début des années 90 également, deux groupes parisiens (et dont certains membres fréquentaient le parc) feront des chansons consacrées au supporters : Force De Frappe « Colors don't run » et surtout West Side Boys avec l'excellente « Hooligans ».

Torquemada, groupe de Strasbourg a une bonne chanson, « West ham kids » comme quoi les Cockney et autres kids de l'east end ont fait pas mal d'adeptes en France où, comme dans tous les pays, de nombreux skins portent les couleurs de West Ham. AOC il y a 2-3 ans a sorti « Rappelle toi Didier » sur les aventures éthyliques de leur pote Didier qui se déroulaient en partie au stade, un chanson qui en a fait marrer plus d'un. A la même époque, Cruelle section et Chenin Blanc sortent les titres « Hooligans » et « Hooligans life », mais bon, peut-être pas indispensables. C'est également le cas pour « Virage nord » de Urban Gones, vous pourrez deviner de quelle équipe ils parlent…

Plus proche de nous, Usual Suspect, petit groupe de Reims a sorti une excellente chanson « Rangers-Celtic » hommage aux rivalités ancestrales Glasgowssiennes. Et puis, 8°6 crew, l'excellent groupe ska/ skinhead reggae parisien (qui faisait également de la oi ! à leurs débuts) ont une très bonne chanson sur les événements de Furiani « Laisse moi rêver » : « Parle ! Parle ! des hooligans, en France on a nos propres ânes, et pas besoins des skins de West Ham, nos dirigeants suffisent au drame… » ; Charly le chanteur avait d'ailleurs improvisé lors d'un festival à Creil le chant avec le vieux groupe anglais Warriors le temps d'une chanson sur le gendarme Nivel suite à la coupe du monde 98. Une partie des membres du groupes sont fans de foot et d'ailleurs sont très tolérants puisqu'ils se partagent entre supporters du PSG, du Red Star et d'un certain club du sud de la France. Œil pour Œil, nouveau groupe oi ! parisien, ciblent large également, dans leur chanson « Supporters », avec le couplet « Pour ta ville ou ton pays, pour Marseille ou pour Paris, Hooligan fan ou ultra, l'essentiel c'est que tu sois là », il y en a effectivement pour tout le monde. Voices of Belleville, proches des 8°6, eux sont plus Red Star (même s'il y a des Parisiens, surtout depuis que le red star sont en nationale et ne jouent plus à St Ouen), et ils ont une chanson là-dessus, « Hoolie Hoolie », sur l'excellent 45T qu'ils viennent de sortir.

Voilà un petit tour des différentes chansons qu'il ne vous reste plus qu'à trouver, tout en sachant que certains titres ne sont pas trop accessibles (une petite compile K7 serait peut-être une idée à reprendre), sinon, vous pourrez trouver les disques d'une partie des groupes (les plus courants ou récents) chez des petits disquaires comme Sonic Machine (8 rue de la Fontaine du but/ 75 018) ou Born Bad (17 rue Keller/ 75 011). Et si vous n'aimez pas les disques, ou que vous préférez boire des bières avec votre argent, et bien, demandez aux potes de vous faire des K7… Et si vous n'avez pas de potes, et bien là je ne peux plus rien pour vous… Payez des bières aux inconnus ! !