HARDTIMES

Tiré de “Une vie pour rien? » n°6-Avril 2004

Hardtimes ont commencé il y a peu de temps mais ils ont très vite fait parler d'eux. Des morceaux oi ! agressifs sacrément efficaces avec de très bonnes mélodies, d'autres morceaux hardcore, et des paroles personnelles et bien écrites. L'interview se déroule à Paris avec Philippe, Rose et Karim. Joss absent ce jour là a ajouté ses réponses par écrit un peu plus tard.

Une petite présentation pour commencer.

Karim (guitare): J'avais contacté Philippe (chant) pour former un groupe hardcore skinhead ou Oi !, et on s'est vus au Fury Fest (2003) avec Philippe, Rose (basse) et Joss (guitare), on a parlé de tout ça, et le temps de trouver un très bon batteur, batteur qui apporte vraiment quelque chose, Aurélien (batterie), on a commencé les répétitions en septembre 2003.

Vous vouliez apporter quelque chose de neuf ? Quel était le but au départ ?

Phil : On ne voulait surtout pas se répéter, ne pas faire du sous-chais pas quoi chose. Enfin sans être péjoratif, ne pas faire ce que font tous les groupes parisiens. On voulait élever le niveau musical, avec des gens qui font de la musique mais qui aiment leur instrument et veulent en sortir autre chose que 3 accords pour gueuler Oi ! avec des potes.

Joss : On ne prétend pas être de supers musiciens et détenir la formule miracle d'un nouveau type de Oi !. Ce qu'on tente de faire c'est créer des morceaux qui sonnent différemment entre eux, essayer d'introduire selon les chansons des influences punk, hardcore ou rock'n'roll (on essaye…). On est un jeune groupe donc on n'a pas pu encore exploiter toutes ces facettes. Mais le but c'est de jouer des morceaux qui dégagent une ambiance particulière que ce soit dans la musique ou dans les textes, que ça ne sombre pas dans le cliché « Oi ! Oi ! Oi ! Je suis fier en docs et bretelles et je marche dans la rue avec tous mes potes tondus Oi ! ». Après on va pas mentir, tu prends « (Un)justified violence », « Pas de honte » y'a un peu de ça aussi .

Vous trouvez la scène française trop basique musicalement ?

Phil : Je trouve qu'aucun groupe ne sort du lot. Le problème c'est que comme j'écoute beaucoup plus de hardcore que de oi !, et que les groupes dans cette scène ont tous un niveau très élevé, la vision d'un groupe de musique n'est pas la même. Les groupes de oi ! actuellement ne s'intéressent pas à leur instrument ou à composer, trouver des trucs, ils cherchent juste à faire perdurer un espèce de style à la française que je ne trouve pas top. En tout cas ce n'est pas la référence française pour moi de ce style des dernières années.

Joss : Moi j'écoute beaucoup de oi ! et en effet c'est plutôt des groupes étrangers. C'est vrai que y'a un style de oi ! à la française, un peu lourd, basique avec des paroles assez cliché. J'en écoute mais c'est pas forcément ce que je préfère. Après, de vrais bons groupes, originaux en France y'en a : the Janitors, the Veros, Bolchoï, les Poches, les Teckels par exemple.

Les concerts, ça semble important aussi pour vous.

Phil : Oui, la musique elle ne se fait pas dans les studios, elle se fait sur scène. Un groupe il a au moins la moitié de sa vie sur scène, c'est ça qui sert à se révéler. Un groupe qui ne fait pas de scène ce n'est pas un groupe. Et on peut jouer avec n'importe quel style, je m'en fous qu'on joue dans des squats, avec des groupes grindcore ou autre… L'important c'est ce que tu apportes à ce moment-là.

Joss : Ah non pas du grindcore ! Et pas d'émo non plus ! Pourquoi pas du skatecore-musette roumain tant qu'on y est ! Sinon pour répondre à ta question, pour l'instant on n'a fait que 2 concerts et même si techniquement c'était pas tout à fait ça, on a joué à l'énergie et on s'est bien éclaté (les cordes de guitare aussi d'ailleurs…). On attend les prochains avec impatience !

Vous sortez aussi très rapidement un disque avec ce 4 titres sur Bords de Seine après 6 mois d'existence.

Phil : On a pas mal bossé, on répète minimum 3 heures par semaine et les 3 premiers mois on a fait deux répètes par semaine. La formation n'a pas été tout de suite définie, comme la direction musicale du groupe. Ce n'est d'ailleurs pas totalement défini. Nous on est plus sur des trucs agressifs, hardcore, alors que Joss (ndb : qui n'est pas là le jour de l'interview) veut un son beaucoup plus rock'n'roll. La première opportunité qu'on a eue, c'est la compile « Tribute to Warzone », donc on a été très rapidement en studio et on s'est dit, vu qu'on a des morceaux ce serait stupide de ne pas en profiter pour les enregistrer aussi. On s'est donc retrouvés avec l'enregistrement, on a mis 4 des titres gratuitement sur le net, et on a vu ce qu'on pouvait faire avec tous ces morceaux. Nico de Bords de Seine nous a proposé, et voilà.

Joss : Bon, je vois que y'a un peu de révisionnisme là ! La direction musicale du groupe elle était quand même définie. De la Oi  ! surtout, et un peu de hardcore ! J'peux vous dire que je dois lutter pour que le hardcore ne prenne pas le pas sur la Oi  !

J'ai vu la présentation du groupe sur la dernière liste Bords de Seine, qu'est-ce que ça fait d'être le premier groupe S.H.A.R.P. patriote en France ?

Phil : Il ne nous a pas consultés là-dessus. On ne lui en veut pas parce qu'il ne l'a pas fait dans un mauvais esprit, c'est un malentendu. Mais bon, on n'est pas patriote, Rose est Hollandaise, Joss est plutôt rouge et noir que bleu blanc rouge. C'était le fait de mettre le logo S.H.A.R.P. sur « bleu blanc rouge » qui a fait croire ça à Nicolas. Mais ce n'était pas dans une optique politique, c'était juste un visuel, plutôt que de mettre « S.H.A.R.P. France », c'est plus marquant, il n'y a pas besoin d'être patriote pour afficher le bleu blanc rouge. No soucis avec Nico ça partait d'une bonne intention et Karim et moi en tout cas ça nous dérange pas !

Joss : En effet, je ne suis pas patriote, donc le drapeau bbr ça me fait un peu chier. Mais je le prends plus comme le dit Phil comme un équivalent de « S.H.A.R.P. France ». Même si pour moi, le drapeau français a malgré tout une signification politique, ce n'est pas un symbole neutre. Rien que dans ses couleurs (le blanc est celui de la monarchie, même si ça s'inscrit dans un contexte particulier, que les sans-culottes, le vrai peuple l'ont arboré, ça reste le symbole d'une république bourgeoise, le symbole des Versaillais qui ont écrasé la Commune , etc.) Donc pour moi ça ne sera jamais une fierté, jamais un étendard, il sert juste à marquer l'appartenance du groupe au S.H.A.R.P. France point barre.

Il y avait aussi peut-être les paroles de « Errance » qui ont pu être comprises comme ça. (“(…) Fils d'arabe ou fils d'Asie, fils de France ou fils d'Afrique, Sa chance on la construit sans discrimination, Né sous le même drapeau, fils de la même nation LA FRANCE , LA France  »)

Phil : J'écris mes paroles quand je ressens des émotions, ce qui me passe par la tête. Ce sont uniquement des choses que je ressens et que j'ai vécues, je n'écris pas pour faire style. Je pensais aux rapports avec ma famille. Je voulais que ce soit personnel mais que d'autres puissent se reconnaître là-dedans, là c'était des gens qui ont eu une enfance tiraillée entre les origines du père et celles de la mère, ou le quartier où tu vis. Si tu es mis de côté quand tu es gamin c'est toujours par rapport à ta couleur de peau ou ta religion. C'est donc sur une partie de ma jeunesse, quand ta mère est juive pied noir et que tu habites dans un quartier avec une grosse population immigrée, tu ne traînes avec personne : pas avec les Arabes parce que tu n'es pas un vrai Arabe, pas avec les blacks… Après Nicolas l'a peut-être compris différemment, mais c'est ce qui fait la force d'une chanson, c'est le but, faire ressentir des choses aux gens, s'ils ressentent des choses différentes ce n'est pas gênant. Après le fait que ton pays c'est la France même si tu n'es pas d'origine française, c'était aussi le sens de la chanson, tu es né dans un pays, tu es dans ce pays quelles que soient tes origines. On ne va pas renier nos origines parce que l'idée générale est qu'il faut être blanc et catholique pour vivre en France.

Joss : C'est peut-être la fin de la chanson qui fait un peu trop slogan, le fait de scander «  la France  ». Personnellement, je trouve que ça ne colle pas forcément au reste du texte qui est plus un constat sur la condition d'un fils d'immigré. D'ailleurs quand je fais les chœurs je gueule « errance » désormais ! Hormis ça, c'est un bon texte, très juste qui parle de discrimination sans sombrer dans le cliché de la chanson antiraciste facile.

Tu parlais de textes personnels Phil, le texte de « Temps de sang » : « il en aura fallu du temps, pour ouvrir mes yeux bien grand, contre moi-même et mes rêves d'enfant (…)». Tu le ressens comme un repentir ?

Phil : Non, c'est plutôt par rapport à l'éducation. On ne te prépare pas à ce que va être la vraie vie. Personne ne te dit quand tu es gamin que tu vas en chier, que tu vas galérer pour trouver du boulot, tu vas subir la discrimination, le mensonge, qu'on va te marcher sur la tête pour te passer dessus. On te conserve dans une espèce de cocon, et c'est au moment de partir de chez toi que tu découvres que cette éducation est fausse, que tes parents se sont mentis à eux-mêmes, et que c'est le cas pour tous les gens autour de toi. Les gens naissent et meurent sans s'être posés les vraies questions. Pour vivre les choses intensément il faut se poser les vraies questions, même si tu ne trouves pas les réponses.

Joss : Du genre qui c'est le plus fort, Jean-Claude Vandamme ou Steven Seagall ?

Et par rapport à la violence, le texte « (Un) Justified Violence » ?

Phil : Ce morceau il faut le prendre en partie au second degré, pour le sens super agressif. Le côté super violent on tape tout le monde, ça ne peut pas être sérieux, ce n'est pas ce qu'on cherche à revendiquer. Mais ça représente aussi un peu la réalité d'un concert hardcore, où ça danse très violent et où tu as des gars qui dansent n'importe comment qui ne comprennent rien au Mosh Pit. Les gars te brûlent avec leur clope et te renversent leur bière dessus, ils t'agacent et un moment donné ils mangent. Mais c'est plus un texte second degré, fun, avec une bribe de réalité quand même.

Joss : Ouais bah je peux te dire que quand tu renverses ta bière t'es bien agacé aussi ! Sinon je fume pas. C'était pas moi !

La chanson « Rebelle » est assez extrême comme vision des choses « rien ne pourra nous arrêter, même la mort c'est ce qu'on se disait ». A trente ans est-ce que tu te reconnais encore là-dedans ?

Phil : Quelles que soient les paroles que j'ai écrites, ce sont des moments de ma vie. Le contexte de ce morceau c'est vraiment ce que j'ai vécu quand j'étais plus jeune, où tu ne réfléchis plus ni à la vie ni à la mort. Quand je repense aux conneries que j'ai faites à cette époque, je me dis que j'étais complètement inconscient des conséquences de mes actes. Le fait de dire que même la mort ne nous faisait pas peur, c'est vraiment le mot insouciance dans le sens très dur du terme, on aurait pu se faire tuer, tuer des gens, rien à foutre des parents, de l'école, de la vie, juste vivre le moment à la seconde où il se produit. Maintenant je pense que c'était inconscient, stupide et totalement irréfléchi….. Mais je n'aurai pas cette réflexion aujourd'hui si je ne l'avais pas vécu comme ça. Mais quoi qu'il advienne, que tu aies 30 ans, 15 ans, 20 ans ou 40 ans, quand tu crois dans quelque chose ou que tu veux défendre quelque chose, mourir pour ça ne doit pas être un soucis. A partir du moment où les gens qui te sont proches, ou les choses dans lesquelles tu crois te semblent être des convictions plus fortes que ta propre personne, il n'y a aucune raison pour que tu craignes de sacrifier ta vie pour elles, que ce soit physiquement ou dans le fait de dédier ta vie à cela.

Et la chanson « Pas de honte » fait un peu manifeste skinhead, ça contraste un peu avec ta situation professionnelle actuelle.

Phil : Ce texte correspond à une période différente de ma vie. A 25 ans, j'étais toujours super revendicatif, mais je me demandais : est-ce que je vais être skin toute ma vie ? Est-ce que je vais continuer à glander et à justifier le fait que je suis skin, bête et méchant en restant uniquement dans des boulots de merde ? Ou est-ce que je vais vraiment croire en moi, essayer de passer le cap, arrêter de me cacher derrière le fait que je n'ai pas de bons boulots parce que j'ai le crâne rasé, qu'on ne me respecte pas parce que j'ai des tatouages ? Est-ce que je ne me réfugie pas derrière ça pour justifier mes échecs ? La suite de cette chanson c'est que j'ai passé le cap, je me suis dit que je pouvais être plus intelligent que d'autres, que je n'avais pas besoin d'être agressif, con ou d'être en docs / bombers au boulot pour le prouver, et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui j'ai réussi professionnellement.

Mais tu dis « trahi par la société on lui fera bien payer », là c'est plutôt s'insérer dans la société, ton optique.

Phil : Absolument, mais là c'est l'étape précédente, « j'y arrive pas c'est de la faute de la société », mais c'est exactement l'inverse. On peut subir la société d'une certaine manière, mais si tu veux vraiment maîtriser les choses, changer ton destin, le cours de ta vie, il suffit de le vouloir. Après quels types de sacrifices on est prêts à mettre en œuvre pour réussir ? Ça, chacun fait son chemin.

Joss : Je ne pense pas qu'il s'agisse juste d'une question de volonté, ce n'est pas parce que quelqu'un issu d'un milieu populaire a réussi que ce modèle peut se répéter à l'infini. La société dans laquelle on vit est faite de telle sorte qu'une infime minorité peut s'en sortir. Si tout le monde pouvait s'en sortir, à terme il n'y aurait plus d'ouvriers, plus de précaires, plus de gens sur le dos desquels les patrons puissent s'engraisser ! C'est aussi basique que ça. Mais le but c'est justement de le faire croire aux gens, pour qu'ils entrent en concurrence, qu'ils soient prêts à se plier à toutes les contraintes imposées par le patron pour gravir l'échelle. Ce mythe de la « réussite sociale » c'est juste un concept bourgeois pour qu'au lieu de se battre ensemble pour l'amélioration de leurs conditions de travail, les gens ne se battent que pour leur propre gueule. Bon c'est un peu plus compliqué que ça mais je vais pas faire un tract non plus ! Tout ça pour dire que moi ce texte je le prends au 1 er degré. Le but, bien sûr, c'est pas de vivre comme un crevard toute sa vie mais au contraire, de se battre pour sa dignité, contre cette société. C'est pour ça qu' « on (le) lui fera bien payer » !

Phil, ta vision est une vision très individualiste des choses (il suffit de le vouloir pour réussir), qui rejoint d'ailleurs le texte de « Demain m'appartient » : « (…) La vie est un combat, Je l'accepte et je me bats (…) Mes poings se serrent, ma révolution (…) ». Comment tu expliques ce contraste avec le fait d'avoir fait pas mal de choses pour les autres comme les organisations de concerts, les sécus ?

Phil : Je pense qu'il faut être égoïste dans la vie. Si tu ne vis que pour les autres, tu vas passer ton temps à regretter ensuite. Les gens qui sont aigris, c'est les gens qui ont donné et qui attendaient un truc en retour, si tu donnes, tu dois donner et ne rien attendre en retour, avec ton cœur, tu n'es jamais déçu. Mais ce n'est pas pour ça que tu ne vis pas pleinement avec ce qui est autour de toi. Donc oui je pense qu'il faut être égoïste, mais ce n'est pas pour ça que tu es individualiste. Quand on fait des concerts, on se fait chier à tracter à bosser dessus, quel est le plaisir ? Gagner 10 euros à la fin du concert ? On s'en fout. Mais tu as vu des gens qui sortent du concert avec un sourire jusque là, tu as rencontré des gens nouveaux, et tu as fait jouer un groupe que tu aimes. On est contents, donc on est égoïstes dans notre démarche. J'ai toujours fait les concerts : 1- pour me faire plaisir. 2- Pour faire jouer les groupes que j'aime. 3- Pour gagner de la thune à mort ! ! (rires)

 

Tu as commencé comment l'organisation de concert ?

Phil : J'ai commencé il y a dix ans à Beauvais. Non, le premier concert que j'ai essayé d'organiser c'était à Strasbourg, mais c'était pas possible… J'ai contacté des groupes de ska, les gars me répondaient « t'es mongol ou quoi on viendra jamais à tes concerts ! ». Même Machtoc ils ont pas voulu ! Le chanteur m'a envoyé une lettre d'insultes…Ils avaient dit « ouah ouah le skin avec des croix celtiques partout ». Moi j'avais pas compris, (avec une voix de gamin) « pourquoi ils veulent pas jouer au concert de ska skin oi ! ? ? ». Non j'ai vraiment commencé à Beauvais, j'ai contacté les groupes, j'ai été voir le gars à la mairie, j'ai dit (re-voix de gamin) « Voilà je veux faire un concert », il m'a dit « quel style ?» j'ai dit (mais sans la voix de gamin !) « oi ! », il m'a dit « bon il faut réfléchir… » et puis le gars a été cool c'était un des premiers skateurs de Beauvais, il m'a orienté, m'a donné des conseils et j'ai été voir les salles. Au début c'était chaotique, j'étais seul à tout faire, à la porte, partout, les gens rentraient gratuitement, c'était horrible. Mais bon il faut commencer par galérer, se viander ça oblige à se renouveler, à ne pas refaire les mêmes erreurs. Si tu ne chutes pas tu ne sais pas où lever ta jambe pour ne pas trébucher.

Joss : Et c'est en forgeant qu'on devient forgeron.

Un autre sujet, vous êtes un groupe straight edge, par rapport à la chanson « Put me down » ?

Phil : Non, c'est une chanson que n'importe quelle personne qui boit aurait pu faire, c'est une chanson contre la dépendance. Etre rebelle, c'est briser les liens qui t'attachent à ta famille, ton boulot, la société ou autre chose. Si tu te débarrasses de ces chaînes, pour te mettre un autre boulet au pied qui va être l'alcool, la cigarette, ou la drogue, il faut arrêter tout de suite et devenir un beauf. Je considère que l'alcool est un intoxicant dangereux, une drogue, qui donne de l'argent à des gros trusts qui profitent de la faiblesse d'une partie de la population pour faire de la thune. Je ne juge pas les gens pour les décisions qu'ils prennent mais il faut assumer les conséquences de ses actes.

Mais on peut boire de l'alcool sans être dépendant.

Phil : Mais c'est quoi alors, c'est un fait de société, on partage un truc avec des gens. Je n'ai pas besoin de boire de l'alcool pour partager quelque chose avec les gens. Je n'ai pas non plus besoin d'alcool pour être gai et joyeux. Et je n'ai pas besoin d'un boulet supplémentaire au pied.

Oui enfin il y a des gens qui rigolent plus quand ils boivent et sont plus marrants comme ça d'ailleurs.

Phil : Absolument, si tu connaissais mon rire de hyène quand je bois… Mais l'alcool de toute façon reste une forme de dépendance par le lien social qu'il génère. En France, on est un bon vivant parce qu'on boit un verre de vin avec un gigot d'Agneau.

Joss : Tu sais de quoi tu parles Benjamin ! Comme le disait Phil plus haut, chacun peut ressentir une chanson différemment. Pour moi « Put me down » ça parle de gars qui sombrent dans l'alcool ou dans la drogue, qui jouent leur vie à cause de ça, ça parle pas forcément de gens qui boivent ou fument de temps en temps. Dans le groupe, seuls Phil et Rose sont straight-edge. Moi ça m'arrive souvent de me mettre la race, de fumer des joints (mais je suis pas un putain de hippie !!!), j'ai l'alcool social ! Mais ces moments je les choisis, je n'ai pas de dépendance. Ça s'appelle de l'auto-discipline, c'est tout. Après, rejeter en bloc l'alcool c'est quelque chose que j'ai du mal à comprendre. Qu'est-ce que ça va te faire de boire un verre de cidre, une bière ? Autant de mal qu'un mars ! C'est juste une question de contrôle de soi, tu n'es pas contraint de te saouler la gueule si tu ne le veux pas. Je pense que c'était ça le sens du straight-edge à la Minor Threat , c'était en réaction aux excès du punk qui transformaient les gens en junkies, pas un rejet total de l'alcool, des drogues douces .

Et tu as essayé, Phil, de parler de ça dans la scène oi !, il y a du boulot…

Phil : Ce qui a toujours fait la richesse du mouvement skin, en tout cas depuis le jour où j'ai commencé à réfléchir, c'est que tu peux être skin et faire tout ce que tu veux à côté. Etre skin c'est quoi ? Un état d'esprit, une rébellion, un uniforme, il faut dire ce qui est. Mais à côté de ça tu peux faire ce que tu veux, du vélo, de la peinture ou de la plongée sous-marine. Ce n'est pas parce que les Skinkorps ont écrit "Vive la bière la baston et vive le cul" qu'il faut le prendre comme argent comptant. J'ai rencontré des skins des années 70, c'était plutôt «mort aux hippies qui fument et se droguent… », bon… certains des skins des années 60 auraient plutôt eu tendance à être clean, même s'ils prenaient peut-être des petites pilules mais ils ne buvaient pas, il ne fumaient pas…enfin pas beaucoup, ils ne fumaient surtout pas d'herbe. Mais peu importe, le débat n'est même pas là. Je ne cherche pas à convaincre les gens. Je trouve que l'alcool peut-être au début ça désinhibe, mais un moment donné les gens ne sont plus drôles, ça les rend agressifs, cons. J'ai connu peu de soirées où avec l'alcool ça se finissait bien.

Pour conclure, qu'est-ce que vous aimeriez faire avec le groupe ?

Phil : J'aimerais bien signer sur un label qui nous permette d'avoir une bonne production. Ce n'est pas dit que Nicolas ne nous propose pas ça pour notre prochain 45T. J'aimerais aller dans un studio, pas avec un gros son, mais quelque chose de plus pro, où on bosse bien. On a tous du boulot, moi sur mon chant et les autres chacun sur leur instrument. Aux Etats-Unis, on ne va pas faire les malins.

Joss : On va pas se déguiser en Ben Laden et brûler des drapeaux ricains sur scène alors ?! Sinon on va bientôt réaliser une vidéo, ça va s'appeler « Hard times for Aurélien », c'est tout le groupe en gang band sur Aurél !

Vous allez aux Etats-Unis !

Phil : Oui c'était une aubaine. Nicolas m'a dit qu'ils jouaient avec Haircut à New-York et Boston en mai, je lui ai dit « On vient !». J'ai envoyé un mail à Phil Templars savoir s'il pouvait nous faire jouer sur la date de New York, et qu'il s'arrange avec les mecs de Boston et voilà en 2 jours c'était fait. On s'est consultés, peut-être moins Rose et moi que les autres car on a des libertés au niveau boulot. D'ailleurs pour revenir aux textes de tout à l'heure, moi au boulot ils m'auraient dit « t'as pas de vacances fin mai », je leur aurais dit « tu m'as regardé ?». L'opportunité pour un groupe d'aller jouer aux Etats-Unis, il y a des gens qui ne la voient jamais arriver, alors s'il fallait que je lâche mon taf, je l'aurais fait du jour au lendemain. Et voilà ça se fait, et on a d'autres dates qui viennent se greffer dessus, Washington ou Philadelphie le 27, le 23 on joue sur une super affiche avec des groupes oldschool qui tuent à New York. On rejoue à NYC avec les Templars et 3 autres groupes, et à Boston avec Counterattack, Haircut et un autre groupe. En plus, Youth Of Today et Harley's war (ex Cro Mags, Bad Brains et Warzone) jouent la semaine où on est à New York !

Joss : Si j'arrive à franchir la frontière je t'envoie une carte !

Pour finir cette fois, est-ce qu'il y a des groupes avec lesquels vous aimeriez particulièrement jouer ?

Rose : Bohse Onkelz.

Phil : Tu dis ça parce que Ya Basta ils ne sont plus là, hein ! (ndb : on est dans l'entrée de la Luna Rossa et Ya Basta viennent de quitter la table d'à côté pour aller répéter) J'aimerais qu'on refasse des concerts comme celui du Squat (ndr : Alternation le lundi d'avant avec des groupes de hardcore), avec un public mélangé, skin et hardcoreux. Ça fait vraiment plaisir de voir que notre musique ne touche pas que les skins. Sinon on ferait « la bière, dans les bars, tous les soirs, oi ! », « la bagarre entre les reds et les zinas, oi ! ».

Joss : Lutèce Borgia !! Sérieusement j'aimerais bien. En groupe français je dirais : LSD, les Teckels, 8°6 Crew, Soul Invaders, J'aurais voulu, Astro Zombies ou d'autres groupes psycho . Je trouve que la oi ! et le psycho se mélangent bien en concert. Sinon, Loikaemie, Anti-heros, Skinflicks, I-Reject, SuperYob... et tant qu'à faire Cock Sparrer, après c'est bon je peux mourir ! Tu me diras on a quand même joué avec Last Resort !