ITALIA OI!: DES PREMIERS RASES A LA FIN DES ANNEES 80

Tiré de « Une vie pour rien ? » n°5

En grand amateur de oi! italienne (vous l'avez peut-être remarqué...), j'avais depuis longtemps l'idée de faire un article retraçant l'histoire de la oi! italienne, histoire de dire un bonne fois pour toutes qu'il n'y a pas eu que Klasse Kriminale en Italie, en particulier dans les années 80. L'ami Folco a accepté de réaliser cet article pour “Une vie pour rien?” et il a même été au dela de mes espérances, pour ce qui est de la précision de l'article. Le Folco (qui réalise le mini-fanzine « la voce di San-lazzaro » depuis qu'il a arrêté son excellent fanzine “Pinhead Generation”) en question prépare en ce moment avec la collaboration de plusieurs activistes et anciens activistes italiens un livre entier sur le sujet. Les photos présentes dans l'article sont tirées des archives qu'ils sont en train de rassembler en vue de cette publication. Je vous laisse donc avec l'article en espérant qu'il vous interessera autant que nous.

Introduction

On n'a pas tous les jours l'occasion de parler de faits, d'événements, et de personnages qui ont contribué à créer, aux yeux de ceux qui sont venus ensuite, une telle fascination, comme cela a été le cas avec le mouvement skinhead / oi ! italien des années 80. Je dis cela, car aujourd'hui en 2001, s'est perdu pratiquement tout ce que les années 80 - et le début des années 90 par tant d'aspects- avaient créé, en bien et en mal, aux yeux de qui a vécu les hauts et les bas de cette époque. Certains ont également essayé de minimiser son influence ou même de la dévaloriser et d'instrumentaliser ainsi certains noms et événements en les tournant à leur avantage.

Mais ce n'est pas à moi de juger les actions de ceux qui ont vécu le " skinheadisme " italien de ces années au travers de ces pages ; d'autant que je ne suis entré en jeu qu'à la fin des années 80, j'étais par conséquent trop jeune pour pouvoir donner un jugement objectif sur ce qui se passait.

Je remercie, tout de même, l'ami Benjamin qui m'a donné l'opportunité d'apparaître dans les pages de son fanzine… Même si ça se fait avec deux ans de retard ! ! (Note De Ben : un numéro, quoi…) Comme toujours : mieux vaut tard que jamais.

Les Origines : " Ils arrivent de tous les côtés, l'east end est partout ! ! "

Comme c'est le cas dans le reste de l'Europe continentale à la suite de l'explosion punk en Grande-Bretagne en 1976/77, le phénomène punk prend pied également en Italie, d'abord comme une mode extrême et passagère, puis, à la fin des 70's / début des 80's, tous les participants arriveront à une confrontation. Et ce sera véritablement la génération post-77 qui donnera naissance à la première vraie scène italienne, à laquelle succéda, en allant dans certains cas de paire, le revival skinhead naissant. Pourtant, si en France, Belgique, Hollande, ou Allemagne, l'écho de ce qui se passait outre Manche arriva presque immédiatement, ou du moins sans intermédiaire, en Italie, de nombreuses choses arrivèrent de façon plus lente et confuse, voire déformée.

Si déjà en 79/80 dans les principales villes italiennes commençaient à se distinguer les premiers crânes rasés, une véritable conscience de mouvement n'est visible qu'à partir de la fin 81/ début 82 en parallèle avec l'explosion de la oi ! en Angleterre.

Ce qui peut distinguer par tant d'aspects la situation italienne de celle des autres pays à la même époque est la politisation extrême d'une génération qui laissait derrière elle le terrorisme et les années de plomb. Cet héritage était un fardeau pour certains punks de l'époque. De plus, l'évolution de l'aile la plus politisée du punk, inspirée par Crass et Cie (non-violence, pacifisme, liberté, anti-nucléaire, libération animale), représentée en Italie par les Bolognais de R.A.F. Punk, les poussa par réaction et frustration vers une scène proche de celle représentée on ne peut mieux par le mouvement oi ! anglais naissant.

Cela dit, je n'enlève rien au fait que certains aspects du discours anarcho-pacifiste pouvait avoir un aspect positif. Mais la oi ! était à cette époque un mouvement qui représentait une réelle alternative à tout ce qu'il y avait eu avant. Il y avait tous les éléments qui n'avaient pas de place dans l'anarcho-pacifisme (très présent à cette époque dans certaines villes), comme la fierté, les rigolades, le groupe soudé.

Pour ses débuts nous devons remercier pour le travail accompli Nabat qui, avec leur chanteur Steno en premier lieu, ont réussi à construire un mouvement des plus réels, n'ayant rien à envier aux Anglais. Ce sera effectivement Nabat qui donnera un point de ralliement à tous les kids (bolonais d'abord et italiens ensuite) qui à cette époque prenaient lentement leurs distances du public anarcho-pacifiste, et vers lesquels se tourneront une bonne partie des punks post-77. Ils montreront donc une voie différente à ceux qui étaient à la recherche d'une autre identité. Et si dans un premier temps l'évolution n'avait pas d'autre but que de singer les poses que les premiers disques, les rares revues spécialisées, et les premiers fanzines, offraient en exemple de ce qui se passait en Grande Bretagne, il fallut peu de temps pour se convaincre qu'en Italie également il était temps d'associer les actions aux paroles.

Les festivals historiques et les rêves de la première génération skinhead italienne

Il fallait donner un point de repère, c'était dit, à tous les skins et oi ! fans italiens, pour démontrer que la scène oi! et skinhead italienne était en train de devenir un groupe compact. C'est dans cet esprit que fut préparé et organisé le premier rassemblement oi ! italien, à l' « art Nouveau » (sic) de Monza (au nord de Milan) samedi 13/11/1982. Les groupes appelés à jouer à ce premier festival, outre naturellement Nabat, furent les suivants : A.R.R.M. (de Come), Rough (de Turin), Bahnhof (de Milan), Stress (de Monza), Irah (de Bologne) et Dioxina (de Rimini), pour finir Rip-off (également de Bologne) annuleront à la dernière minute, n'étant pas prêts à temps. Ce sera un bon début, bien que l'aile punk de la oi ! soit très minoritaire, et surtout malgré la difficulté à trouver une salle : la date fut incertaine jusqu'au dernier jour et beaucoup de gens vinrent le samedi précédent.

Le second rassemblement, mieux organisé, se tiendra à Bologne deux mois plus tard, plus précisément le 22/01/1983 grâce comme d'habitude à l'infatigable CAS records (autant dire Steno de Nabat !), qui, pour cette soirée, fera venir également 7 groupes. Ce sont plus exactement Bahnhof, Dioxina, Nabat, Rip-off et Urban fight de Bologne, Rough et en ouverture les miraculés C.C.M. (Cheetah Chrome Motherfuckers) de Pise, qui n'étaient pas initialement prévus au programme. A ce moment, le tout nouveau mouvement oi! italien avait toutes les cartes en main pour réussir à créer une organisation plus concrète et stable capable de rivaliser avec les scènes des autres nations européennes. La presse spécialisée (en premier lieu le mensuel musical “Rockerilla”) avait même donné un certain soutien aux groupes italiens et à la scène, qui étaient plutôt prometteurs. Mais le destin avait d'autres projets en réserve, pour les espoirs et les illusions de tous les jeunes skins italiens. Tout ce qui avait été construit au prix de tant d'efforts et de sacrifices était destiné à partir en fumée bien avant ce que Steno et Cie pouvaient imaginer.

Le troisième rassemblement oi ! Italien se déroule le 18/06/1983 au « Theatro Tenda » de Certaldo, à une quarantaine de kilomètres de Florence, cette fois organisé par les membres de Basta (un jeune groupe oi ! local) en coopération avec les Nabat. C'est sans doute le plus réussi en termes de quantité de participants. En effet, on parlera de plus de mille personnes accourues de tout le pays, cependant, comme nous le verrons, les choses ne se passeront pas ce jour là de la manière espérée. Cette fois, ce sont les Basta qui commencent, suivi par U.D.S. (de Turin), S.S. 20 (de Cagliari), Dioxina, Gangland (de Gènes), Rip-Off, Nabat, F.U.N. et Bratz de Rome, Traumatic de Livorno et Rough. Ces trois derniers groupes ne joueront pas en fait, en signe de protestation contre les bagarres survenues pendant le set de Gangland, de Rip-off, qui durant leur set exciteront une partie du public avec des saluts romains et autres stupidités, et enfin de Nabat. Il y eut des bagarres entre skins et punks, skins et skins, pour des raisons liées au foot et des chasses à l'homme dans la campagne environnante. Un vrai désastre ! !

Comme c'était prévisible, la situation se précipita, rendant tous les efforts mis en pratique jusqu'ici totalement vains. Steno, plus tard, sur les pages de “All out Attack” déclara ceci : « Nous aussi les membres de Nabat sommes très déçus, puisque depuis un mois nous avions tout préparé, y compris la salle. Peut-être tout le monde ne sait pas qu'après ce concert, une personne a perdu son travail (le gérant du théatre). A Certaldo, les punks et les skins avaient un endroit où faire des concerts, ils n'en n'ont plus. A présent il n'y aura plus que de la musique classique dans le théâtre… Nous nous sommes toujours battus pour créer un circuit oi ! en Italie, mais ces choses te tuent ! Arrivés à ce point, ce n'est pas le pouvoir qui nous tient divisés, mais c'est nous qui le voulons. Je ne veux pas cracher sur qui que ce soit, je ne veux pas polémiquer, mais je crois qu'en Italie il y a trop de gens qui se donnent un genre, même chez les skins : ils doivent disparaître ! Ils parlent de nationalisme. Moi je voudrais qu'ils le soient vraiment, peut-être réussiraient-ils à ne pas imiter les Anglais. Pour finir, je voudrais dire qu'à Certaldo en septembre, nous aurions dû faire venir Infa Riot pour leur unique concert en Italie. Maintenant c'est impossible, parce qu'en Italie, personne ne veut plus accueillir un concert skin ! ».

Les résultats furent évidents, et malgré de nombreuses tentatives avortées, on arrive à l'automne 1986 à Gènes, où les skins de Savona et Gènes organiseront un festival (non officiel) qui aurait dû avoir pour tête d'affiche Business, mais comme nous le verrons, cela se passera bien différemment. Le concert se déroule dans la salle « Chiamata del porto » dans les environs, naturellement, du port de Gènes. Au programme les groupes suivants : Dirty joy (Mestre/ Venise), Tiratura Limitata (Milan), qui ne viendront pas, Klasse Kriminale (Savona), Herberts et U-Bats de Gènes. Tout cela en remplacement du concert prévu avec Business, Klasse Kriminale et Herberts annulé au dernier moment. Et pour cela de nombreuses personnes seront déçues et laisseront exploser leur rage dans une bagarre générale à plusieurs reprises à l'intérieur de la salle et dehors, entraînant, comme c'est souvent le cas, beaucoup de personnes qui avaient juste essayé de séparer les autres.

Il faudra ensuite attendre encore trois ans pour assister à un vrai festival oi !. Et ce sera encore une fois à Bologne d'accueillir ce rendez-vous. Le 4ème rassemblement oi ! se tiendra le samedi 2/12/1989 au “Capolinea del 97” à S. Giorgio Di Piano, près de Bologne, avec uniquement trois groupes ; mais c'était plus que suffisant semble-t-il, puisque le bilan de la soirée fut positif. Ghetto 84 commenceront en tant que locaux, suivis par Klasse Kriminale, et par le groupe ska Strike de Ferrara.

Comme je l'ai dit, les autres tentatives seront annulées et il est utile de parler de certaines, afin de rendre le cadre plus complet, et de parler du rôle très important, entre autres, que certains locaux (clubs et centres sociaux autogérés) ont eu - un en particulier : le « Victor Charlie » de Pise - deux événements importants le confirmeront dans la seconde moitié de l'année 1984.

Le 15/09/84, Cani de Pesaro organisent un concert qui avait tout l'air d'un festival oi !, dont on parlait déjà depuis un moment dans les fanzines en circulation. Cette soirée vit les excellents Stigmathe de Modena ouvrir la danse, suivis de Cani, F.U.N. et Hope & Glory (Trévise). La soirée se terminera cependant plus tôt que prévu à cause de la pluie, d'abord (le concert se déroulait en plein air) et l'arrivée des forces de l'ordre ensuite, qui feront tout fermer en prétextant l'heure tardive.

Quelques semaines après, à Bologne, ce sera le tour d'un festival ouvertement antiraciste (organisé cette fois par W.C.K. Skinzine, CAS Rec. et Linea Dura Skins) avec l'espoir de démontrer que les skins italiens n'étaient pas tous de stupides clowns uniquement capables d'imiter les poses pseudo-nazies des skins londoniens. Les participants furent Cani, F.U.N. et Hope and Glory, complétés pour l'occasion par les maîtres de maison, Nabat. Pour l'occasion le concert se tiendra dans un lieu occupé spécialement pour l'occasion et appelé « Caserme Rosse » (casernes rouges). L'unique résultat fut des saluts romains et des menaces de la part d'imbéciles. Encore une désillusion pour les ceux qui voulaient construire une scène plus solide et différente de celle qui était en train de détruire la oi ! en Angleterre.

Le contingent oi! italien et ses groupes

Dans la liste suivante de noms qui ont fait briller la oi ! transalpine en Italie et à l'étranger figurent également tous les groupes qui d'habitude ne sont pas cités, mais qu'il fallait faire figurer pour être complet, et également parce qu'ils n'ont pas étés oubliés de tous !

Et on en revient toujours à eux, lorsque l'on parle d' « ennemi public n°1 », oui, vous avez bien compris, il s'agit des légendaires, les vieux Nabat de Bologne ; une authentique garantie dans le domaine. Un groupe qui donna une impulsion incontestable à toute la scène punk-skin de ces années, influençant des dizaines d'autres groupes italiens. Parmi les groupes locaux qui se feront plus connaître que les autres il y aura Rip Off, qui changeront plusieurs fois de formation et n'auront pas une fin bien glorieuse. Par contre les très jeunes Uxidi étaient un de ces groupes skunk de courte durée mais qui verra défiler des noms plutôt connus de la scène bolonaise d'alors (Maniaco Anfe, Tex et UiUi, futur Nabat, qui joua également la basse pendant une courte période avec Rip Off). Youth restent exclusivement un groupe de studio, avec quelques membres de Rip Off, destiné aux sillons de la compilation « Quelli che urlano ancora », avec la chanson « Ghetto », et un texte pompé à moitié sur un magazine alternatif appelé « Frigidaire » et très connu à l'époque. Les Urban Fight - cités comme groupe qui participa au 2ème festival oi ! de Bologne (1/83) - étaient un groupe punk/métal avec des sonorités plus proches de Blood que de GBH, mais ils ne sortiront rien. Entrés en scène, eux, au milieu des années 80, Ghetto 84 restent à ce jour un des meilleurs groupes oi !/ Street R'n'R italiens.

De Romagne. Le groupe punk/ oi ! le plus connu reste sans aucun doute Dioxina, né en 1982 de la fusion de deux autres groupes locaux : Konats et Antispot Skinx de Faenza (dans lesquels jouait Fabio Pantera, futur batteur de Skinarmy et Rip Off). A Milano Marittima, sur la côte de Romagne, jouaient Wasted Glory et à Cervia les excellents Fault Revenge (ex- Unsung Heroes), entre 81 et 82 environ, ensuite, plus de trace. Le line-up le plus connu de Dioxina reste le second. Bien que sur “Skin e punk = TNT”, figure le nom du premier guitariste, sur la photo, c'est déjà Red de Cesena, futur guitariste de Nabat à partir de fin 84. Avant cela, Dioxina était composé uniquement de skinheads, et en 85/86, il se tourneront vers un style metal/hardcore beaucoup plus rapide qu'à leurs débuts.

Skinarmy ensuite, restent un des groupes les plus brutaux, avec pour chanteur Calboz, qui ne perdait jamais une occasion de s'embrouiller, où qu'il se trouve… Même en vacances à Londres (Combat 84 rules) ! ! !

De la région de Modena on trouve Hydra, un groupe composé uniquement de filles, qui ne dura pas longtemps mais participa à la compilation “Quelli che urlano ancora”, grâce au fait que l'une des filles sortait avec un membre de Stigmathe (groupe punk hard core bolonais légendaire), ami des Nabat !

A Parme, ma ville, en revanche, on se rappelle du streetgang des Boito Kids, bande de fous, skins, mods et Teddy Boys desquels prendront inspiration le groupe oi !/skin Boito Kids (82/ 84), qui changeront de nom et de formation quand le chanteur partira au service militaire, se rebaptisant d'abord Bela Goes to Bardi, puis Donald Duck's Skins, et se sépareront définitivement vers 1986. Un autre groupe skin très jeune de la scène parmesane furent les National Service, avec le futur guitariste de Peggior Amico au chant (période 92/95).

Comme on le sait, le phénomène oi ! s'est manifesté principalement entre le Nord et le centre de l'Italie, et pour cette raison certaines régions n'ont jamais vu de groupes oi !/skin en action, même s'il n'a pas manqué, au fil des années, d'individus isolés et de noyaux importants de skinheads dans bien d'autres endroits.

Turin est la ville d'un autre des premiers groupes oi ! italiens légendaires : Rough, qui entre 84 et 86 se tourneront vers une sorte de reggae/dub avec un black au chant. A cause des provocations de leur premier chanteur, Piero, Rough seront faussement étiquetés comme groupe nazifiant, réputation qui gâche une part de l'histoire de cet excellent groupe. Leurs amis à Turin étaient les U.D.S. (Uscita Di Sicurezza - Sortie de secours) qui existeront pas mal d'années puis disparaîtront. A Biella, apparaissent vers 83 les bien moins connus C.B.A. (Come Back in Anger) groupe oi !/skin qui ne laissera pas grand chose derrière lui.

En provenance de la région de Milan, un petit nombre de groupe plutôt bons et originaux se démarqueront. En premier lieu Bahnof, destinés, comme Rough, à être taxés de fascistes par l'aile anarchopunk milanaise, comme d'habitude. Malgré cela, ils restent un des meilleurs groupes streetpunk italiens du début des années 80 et, à la différence de bien d'autres, ils chantaient en anglais. Tiratura Limitata dureront plus longtemps et ne splitteront que vers 86/87, quand les membres s'en iront vers d'autres groupes (Gino, le bassiste, ira jouer dans Investigators!).

Pour le côté Hardcore skinhead, certains groupes sont sortis du lot, entre Milan et Come : Tanks, avec Fabione au chant, Orda (ex-Orda Massacrata) avec Stiv Valli (T.V.O.R. rec et Zabriskie Point record shop) (ndb : et Twins rec dans les années 90) au chant puis à la basse et Giuliano Palma à la guitare (qui jouera ensuite dans Casino Royale puis aujourd'hui dans Bluebeaters). Pour finir Arrm de Come avec un skin dans la formation et qui apparaîtront sur le EP « Skin e punk = T.N.T. ». Un groupe skin émergera de Monza au milieu des années 80, Fuorilegge, mais il n'y a pas d'autres informations sur eux. La bande de skins de Monza, par contre, se fera une solide réputation, comme une des plus violentes de l'époque.

Les groupes ne manqueront pas ensuite en Ligure, honneur évidemment aux excellents Gangland de Gènes, en activité durant les années 83 et 84 et destinés à rester exclus de la compilation « Quelli che urlano ancora » à cause de la mauvaise qualité de leur enregistrement. Le chanteur, Gufi, cherchera ensuite à reformer le groupe en 86, mais sans succès. Gufi et Tonino (le batteur) sont morts peu après de leur toxicomanie.

De Savona, il y aura bien sûr les plus que connus Klasse Kriminale, desquels il ne reste pas grand chose à dire, sinon que pendant un moment, à la fin des années 80, le batteur de Gangland jouera avec eux. Plus à l'Est, à La Spezia , jouaient les Holocaust, groupe hardcore-skins qui partagera souvent la scène avec les bien plus connus Fallout (de La Spezia également), légendaire groupe punk harcore italien, encore en activité aujourd'hui.

Les trois Véneties, ensuite, avant la naissance du tristement célèbre Veneto Fronte Skinhead a vu de nombreux groupes dont on se souvient encore aujourd'hui avec nostalgie et fierté. Dirty Joy étaient de la région de Mestre-Venise et après une première phase ska-punk en 82/83 ils prennent une coloration oi !/ Hardcore avec l'arrivée de Eros, un skin local, style qui restera jusqu'en 87/88 quand le groupe splittera. Ils joueront entre autres au pays basque en 86 et avec Kortatu lors de leur tournée italienne en 87.

La région de Venise verra les groupes punk/oi ! Diserati et Antisbarco, tous les deux de Chioggia, qui joueront aux côtés de Nabat, Rough et Dioxina au célèbre concert de Padova en avril 83. Des premiers il ne reste aucun enregistrement, par contre quelques chansons de Antisbarco figurent sur une compilation punk/HC antimilitariste de 86 intitulée « Senza Patria ». Plus dans les terres, à Verone exactement, on se souvient tous des fameux Plastic Surgery, qui commencèrent comme groupe punk/HC en 81/82 mais destinés à être connus au niveau international en tant que groupe skinhead à partir de 85/86. Leur guitariste, Mauro, jouera après dans Peggior Amico (88/91) puis dans Korova Milkbar, groupe streetpunk de Verone. Rommel Skins et Dark Rebels auront eux un vie plus brève et seront parmi les premiers groupes punk/skinhead italiens à l'étiquette fascisante. Le bassiste de R.S. ira ensuite jouer dans Plastic Surgery.

Maintenant passons aux noms remarquables de la scène de Vénétie à la période 82/86, et plus précisément dans la zone de Trévise et sa province (au nord de Venise). Comme pour presque tous les groupes de cette époque, les débuts seront plus proches du punk/HC que de la oi ! et des skinheads. Mais il n'en faut pas beaucoup puisqu'en 82 naissent Guerriglia Urbana et Rascal (devenus ensuite Legge Marziale), qui en 84 se réunissent (bassiste et guitariste de G.U., batteur et guitariste/ chanteur de L.M.) pour former les bien plus connus Hope and Glory, qui commencent avec le nom provisoire de Working Class. Ils splittent de façon imprévue au printemps 86, à la suite d'une grosse bagarre devant leur local de répétition à Nervesa Della Battaglia (Trévise) entre des skins de droite et d'autres skins supporters du groupe. Le chanteur évita d'un souffle un coup de cric de camion. Le fait que Massimo Bellini (futur Peggior Amico !) jouait dans la dernière formation du groupe n'a rien à voir avec les positions politiques du groupe, comme on pu le dire certains pendant pas mal de temps. (ndb : Marrant de savoir que le chanteur, Valentino -à ce moment plus branché skinhead reggae/ ska- habitera sur Paris au début des années 90, avant de tout lâcher et de partir quelques temps à l'Ile Maurice se reconvertir… pécheur de crevettes !)

A Monfalcone, près de Gorizia et Trieste, entrent en action un peu après les Power Skin, mais ça c'est une toute autre histoire, comme l'est celle des Peggior Amico, Nomina Destra, etc. qui n'a rien à voir avec la scène oi !/skin dont nous parlons.

Dans le centre de l'Italie, en Toscane, les Nuclei skins seront un groupe aussi amusant que déchaîné. Les Sweet Baby Oi !, de Lucca, étaient eux une partie des enragés Wardogs, groupe ultracore dévastateur. De la région de Pise en revanche, pas de groupe mais un des locaux autogérés les plus populaires dans toute la scène italienne de ces années-là (c'était en 84) : le Victor Charlie. Géré par les membres d'une organisation dénommée G.D.H.C. (Gran Ducato Hard Core) à laquelle participaient tous les groupes punk/HC toscans, des labels et des fanzines de cette scène. Outre un gros contingent de groupes oi !/ skin/ Hardcore/ Heavy Metal/ Mod rock nationaux, le local accueillera des noms comme Youth Brigade, Toxic Reasons, etc. Nabat y feront, selon leurs dires, un de leurs meilleurs concerts en 84 en compagnie de F.U.N.. Malheureusement, le bordel et les plaintes des voisins mettront fin à la brève histoire du lieu à l'hiver 84/85, par décret de la mairie, malgré les nombreux efforts et protestations.

Nous arrivons ensuite à la célèbre ville de Certaldo, dans la région de Florence, qui vit, outre l'auteur de « Decameron » Gionani Boccaccio, un grand nombre de punks et skins qui réussiront, entre 81 et 85, à remuer une scène dominée par l'héroïne. Ils mettront sur pieds quelques groupes, parmi lesquels les célèbres Basta, les seuls qui réussiront à sortir un vinyle, alors que d'autres comme De Gaeta et Cagioli se perdront dans le chaos de l'époque.

Sur le versant adriatique, au contraire, on ne peut que se rappeler de Cani de Pesaro, exemple parfait de oi ! et Hardcore Italien de cette période, qui reste sans aucun doute un des groupes les plus appréciés en Italie et à l'étranger avec un nombre conséquent d'enregistrements. Il en est tout autrement de Rebelarmy de Grottamare (région de Ancone) qui restent dans la mémoire de beaucoup pour avoir dans leur formation deux Hardmods, un skin et un heavymetalleux. Le skinhead en question n'était autre que Riccardo, qui plus tard chantera dans Dioxina (2ème formation), jouera de la basse dans Skinarmy et dans les années 90, comme on le sait, sera le guitariste de Reazione et Klasse Kriminale. Un des mods, lui, Alfred " The mod " était connu au début des années 80 pour être le rédacteur du zine " Faces " et bassiste de Spider Top Mods.

En descendant vers la capitale, on se rend compte que la scène romaine ne reste pas à la traîne dans les années 80/85, quelque soit le style des groupes (punk 77, Hardcore, oi ! et Heavy Metal même !). Véritablement bons, et originaux, F.U.N. de Cento Celle (quartier à l'est de Rome), faisaient un électrique mélange de oi ! et ska-reggae, avec un saxo très présent, vraiment unique en son genre. Pour tous ceux qui les connaissent en Italie, il n'y a que Nabat qui les dépassent. Autre groupe célèbre, Klaxon viennent également du 100 Celle et sont un des plus anciens groupes de la capitale, puisqu'ils se sont formés en 79. Un punk typiquement à la Clash avec quelques influences oi ! (un grand titre que " Skinhead oi ! "). Ils auront cependant un maigre succès vu que le genre populaire à l'époque était principalement le punk HC. Parmi les groupe moins connus il y eut Bratz de Marco Skin, qui ne laisseront aucun enregistrement au contraire de Klaxon et FUN.

Dans le sud de l'Italie, on peut citer quelques groupes, même si non skinheads, qui étaient proches des sonorités streetpunk, comme Last Call et South East Rebels, de Bari, les premiers apparaissant d'ailleurs sur disque.

Je conclus cette partie avec un rapide coup d'œil à la scène oi !/skin sur les principales îles italiennes : La Sicile et la Sardaigne. De la première, il ne sortira rien jusqu'au début des années 90, par contre, dans la capitale de la Sardaigne , Cagliari, la scène oi !/skinhead est présente depuis le début des années 80, avec le groupe S.S. 20 qui, entre autre, joueront à Certaldo à l'occasion du 3ème festival oi ! et participeront à « Quelli che … » LP, toujours grâce à l'infatigable Steno. En 85-86, ils changent de nom pour Claptrap et arrivent finalement à sortir un album. Donkey Kong se formeront à la fin des années 80 dans la partie nord de l'île, mais ils n'auront pas grand chose à voir avec l'esprit oi ! des débuts.

Il faut bien sûr souligner que la majorité des groupes oi !, comme dans les autres pays européens de l'époque, dureront uniquement quelques années, à l'image de ce qui se passait en Angleterre, et bien peu auront résisté au phénomène RAC du milieu des années 80 et aux influences, plus théoriques que réelles de groupes comme Redskins et compagnie. Pour assister à un renouveau de la oi ! en Italie il faudra attendre les années 90. Même si tout n'était pas fini, et que des groupes comme Klasse Kriminale et Ghetto 84 continuaient leur route, la seconde moitié des années 80 n'a pas été la meilleure des périodes…

La politique dans le mouvement oi ! italien

Comme je l'ai dit au début de l'article, la oi ! du début des années 80 représentait ce qui pouvait être une réelle alternative à l'oppression mentale qui faisait que posséder une conscience politique était pratiquement une obligation. D'autant plus si l'on tient compte de la grandissante culture hippy qui, avec le phénomène punk d'après 77 cherchait à se donner une nouvelle identité en se recyclant dans la mouvance anarcho-pacifiste guidée par Crass. Il est clair que tout ce qui représentait l'instantanéité, la spontanéité, le fait de ne croire en aucune sorte d'idéologie, était le dénominateur commun d'un skinhead italien de la première heure. Et vu que la oi ! signifiait à tout prix ne pas avoir un passé politique, et refuser en bloc la politique traditionnelle, le passage au nihilisme fut rapide ! Tout cela pouvait se retrouver dans la devise " No politica ", avancée par les groupes et les fanzines d'alors. Aujourd'hui, cela peut sembler un slogan un peu naïf et " je m'en foutiste " mais à l'époque cela avait une signification très importante qui laissa une empreinte sur toute la première génération skinhead italienne.

Comme nous l'avons vu cependant, tout cela n'a pas duré très longtemps et ce qui se passait en Angleterre en 83/84 commença à se répéter ici aussi de manière alarmante. Les célèbres pèlerinages estivaux à Londres, qui représentait alors, plus que jamais, la Mecque du punk et du skinheadisme, voyaient des dizaines de skins rentrer en Italie abreuvés de messages déformés, travail de la propagande et de l'extrémisme politique du British Movement et du National Front, qui organisaient des concerts pour leurs groupes skins d'extrême droite et représentaient une des seules possibilités d'aller à un concert.

A l'inverse, la gauche, avec ses organisations, contribua à créer une rupture toujours plus nette qui ne laissait pas de place à une alternative.

Dans la botte Italienne, le message apolitique (ou anti-politique) et d'unité des gars de la rue (pas seulement les skinheads) n'avait plus d'impact et les forces de l'aile skinhead antiraciste n'y suffirent pas. Et c'est ainsi que l'extrême droite dans le mouvement skinhead européen joua un rôle toujours plus important, contraignant l'alternative déçue à se renfermer sur elle-même en attendant des jours meilleurs.

Tout cela s'est passé en Italie au milieu des années 80, avec la composante punk de la oi ! prenant ses distances, raccrochant tout ou allant, par réaction donner main forte à la scène anarchopunk pacifiste et liée aux centres sociaux autogérés qui dans les années 90 également joueront un rôle dans la relève de la scène underground italienne.

De sages paroles que celles de Riccardo Pedrini, bassiste de Nabat, qui dans un de ses livres édités ces dernières années écrivait, avec une évidente intonation de rancœur et de désillusion, que si il n'y avait pas eu les incidents de Certaldo en 83 et la vague des skinheads londoniens fascisants et sans cervelle qui influenceront négativement les idées et actions des kids italiens pendant pas mal de temps encore, la scène oi !/ skin italienne n'aurait pas été obligée d'aller dans les centres sociaux et autres locaux de l'extrême gauche (qui les acceptaient pour la bonne raison que 1000 personnes ramènent pas mal d'argent…) dans les années 90 pour avoir l'occasion d'organiser des concerts.

Pour revenir aux années 80, comme cela se passait dans d'autres parties de l'Europe, il y eut en Italie un revival en 86/87 dans le sillage du retour des Business sur la scène internationale, du deuxième revival ska britannique qui ramena lentement une partie du mouvement skin vers l'esprit original ainsi qu'une nouvelle génération de rasés qui s'activa dans les rues italiennes.

La joie du bruit et des disques oi ! italiens des années 80

Si on compare la discographie oi ! italienne avec la britannique, ou même avec la discographie française, on se rend compte immédiatement que de nombreux groupes potentiellement très bons et définitivement originaux eurent peu de possibilités, ou même aucune, d'enregistrer un disque ou seulement d'apparaître sur une compilation. Quelques labels indépendants ou la plus complète autoproduction furent les seules armes à disposition des kids italiens du début des années 80.

Et on commence toujours avec la célèbre Meccano records de Turin qui, à l'hiver 82, produit le premier disque oi ! italien, le 7' des Rough intitulé « Torino e la mia città ». Quatre chansons qui sans être mauvaises, ne rendent pas justice au groupe qui avait un potentiel bien plus important, mais qu'il ne pourra malheureusement jamais exprimer. C'est là qu'entre en jeu le célèbre label des Nabat, la C.A .S. records (Campane e Stormo), avec lequel ils autoproduiront leur premier EP vinyle intitulé « Scenderemo nelle strade » en novembre 1982.

Toujours sur CAS, en avril suivant, ce fut le tour de la mini-compilation « Skins e punks = TNT », avec huit titres de groupes punk HC et oi !/skin italiens, Dioxina, A.R.R.M., Nabat et Rappresaglia. Toujours en 83 suivra le split-EP des deux groupes milanais Tiratura Limitata et Shockin' TV, « Milano 83 ». L'année continue avec les excellents Cani qui autoproduiront un EP 6 titres au nom menaçant : « Guai a voi ! (attention à vous !) » (Dischi Storti).

Durant l'hiver 83/84, CAS produira deux autres disques, même si on parlait de 4 ou 5 disques qui auraient dû sortir ces mois ci. Le premier est le mémorable « Laida Bologna », le deuxième EP de Nabat qui tapait dans le mille, en ayant même un discret succès outre-Manche (ou les italiens ne sont généralement pas spécialement estimés…). En même temps débuteront Basta avec le EP “Non posso supportare questa sporca situazione”, 5 morceaux brutaux pour tous les kids italiens.

L 'année 84 verra la sortie de l'excellent EP « The kids Today » des magiques Klaxon (5 titres), alors que les tout jeunes Hope and Glory répondent de Trévise avec « Senza Patria », EP 4 titres autoproduit sur Yourself rec.

A l'hiver 84/85 sort finalement la compilation oi ! italienne tant attendue, « Quelli que urlano ancora », produite par CAS qui, avec un an de retard, voyait rassemblés 11 groupes punk, skunk et skin nouveaux ou plus anciens. Tout cela se fera à l'initiative de Nabat, qui quelques mois plus tard sera l'unique groupe à représenter l'Italie sur la compilation internationale « Chaos en Europe », produite par Chaos Productions, avec une nouvelle version de « Laida Bologna ». L'année 85 se conclut avec le EP plusieurs fois repoussé des Véronais Plastic Surgery, le fameux « Rivolta », destiné à devenir un disque majeur de la oi ! « Made in Italy », en particulier à l'étranger.

C'est finalement en 86 que sortira le 1er LP de Nabat, accueilli par des jugements discordants, et immanquablement intitulé « Un altro giorno di gloria ». Toujours la même année, c'est au tour du label turinois Meccano rec de produire le premier album de Claptrap (ex-SS 20) de Cagliari, au titre équivoque : « This is the Italian sound ». Dommage, puisque rien, pas même les salutations et remerciements ne sont écrits en italien. Les 14 titres du disque sont chantés en anglais, et ce n'est pas l'exemple le plus représentatif de la oi ! italienne, c'est le moins qu'on puisse dire.

En 1989 sort le single de Loveless de Bologne. Street rock'n'roll à 100% « So Wild / Sex Addict », chanté en anglais, est édité par Lakota Music. A la fin des années 80 également, Klasse Kriminale autoproduiront leur premier 7", « Construito in Italia », sur Havin' a laugh records. Par contre, leur premier album « Ci incontreremo ancora un giorno » sera enregistré entre 89 et 90, et sortira donc « trop tard » pour notre article !

Il est utile également de citer quelques compilations sur lesquelles on peut trouver des morceaux des groupes qui nous intéressent. Meccano sortira deux disques de titre « Raptus » (1983) et « Raptus - Negazione & Superamento » (1984) qui verront, entre autres, Last Call et U.D.S. sur la première et Cani sur la seconde. Toujours 84, la compilation « Goot from the boot » de Spittle records contient deux excellents titres de Cani.

Pour finir en beauté, nous tenions à évoquer les projets qui, pour diverses raisons, ne verront jamais le jour. Pour commencer, CAS avait prévu une compilation en soutien au Victor Charlie qui regroupait quelques uns des groupes les plus importants ayant joué là-bas. Cela ne se fera jamais. Il en est de même pour le premier 7" de Rip-off, que Steno ne voudra plus produire après les événements de Certaldo. Apparemment, cependant, 30/40 copies du test pressing existent. Un EP-compilation était par ailleurs en projet vers 84/85 avec les groupes suivants : Rip-off, Plastic Surgery, Skinarmy et Dioxina.

Pour finir, le plus énervant, puisqu'il s'agit d'une dizaine de titres de Ghetto 84 enregistrés au TMB studios de Modena, à la fin des années 80 en prévision d'un 7" et d'un Maxi-EP à se faire produire ou à autoproduire. Et il y a de quoi s'énerver doublement puisqu'en 94 une intégrale avec toutes les chansons de Ghetto 84 aurait dû sortir chez Havin' a laugh rec. Et tout cela est encore dans les archives du studio TMB, personne ne s'est encore décidé ! Au même endroit se trouvent quelques inédits de Nabat destinés à un 7" qui devait sortir en accompagnement du fanzine “Rude Boys are back in town”, de Tiziano Ansaldi de Savona, ex-manager de Nabat justement.

Les démos et les enregistrements oi ! des années 80

Afin de rendre l'article encore plus complet voilà une liste approximative d'une bonne partie des bandes qui circulaient à l'époque et qui aujourd'hui sont devenues l'objet d'échanges pour les collectionneurs et les acharnés de ces sons.

Et comment pouvait-on commencer autrement qu'avec Nabat, qui en mars 82 sortent une démo split avec Rip-off, pour commencer officiellement la saga C.A.S. records, parallèlement à la cassette « February 82 » des milanais Bahnof (avec 4 titres) produit par Electric Eye records de Claudio Sorge. Au printemps 83, les gars de All Out Attack nous offrent la cassette d'un des lives les plus célèbres de l'époque, le « live in Padova 30/04/83 » avec Dioxina et Rough. Sans aucun doute parmi les meilleurs extraits de ce concert.

Les Parmesans de Boito Kids auront plusieurs enregistrements à leur actif mais le seul qui circulera sera celui de cinq titres (dont « Poliziotto Mercenario »), sur une cassette partagée avec deux groupes mod-rock (F 104 et Double Deckers) et sorti avec le fanzine « Boito Squad ». Il reste également de la période 83/84 les enregistrements suivants : Klaxon « Live in P. Navona 83 » (avec le groupe reggae/ dub Clint Eastwood et General Saint), SS 20 démo, et la seconde démo introuvable de Rip-off « Tricolore ».

Il existe également une cassette de répète plus que correcte de la première formation de F.U.N. avec deux chants (Sergio et Lorena), réservée à quelques dizaines de chanceux avec dix titres, en italien et en anglais. En mars 84 sort la démo éponyme de Guerriglia Urbana.

Et nous arrivons à l'année 85 avec la démo 4 titres de Donald Duck's skins, enregistrée dans un vrai studio. Puis vient la « Bootleg ufficiale 1984/85 » de Dirty Joy, live et studio. Pour Nabat, un live complet circulera même à l'étranger, « Teatro Remondini di Bassano Del Grappa (VI) 26/ 01/ 85 », par l'intermédiaire d'un skinzine allemand. A la même époque sortira la compilation produite par le skinzine Kriminal Klass, « O con noi o contro di noi ! » (Kriminal tape), avec la participation de Cani, FUN, H&G, Klaxon, Poeti in Scarponi, Gangland et d'autres, pour une durée totale de 90 minutes.

On peut ensuite parler des innombrables bootlegs de Nabat, citons juste le live à l' « Art Nouveau » à Monza le 8 mai 82, sans la basse de Abbondante, qui venait d'arrêter. L'enregistrement était prévu pour le fanzine « Fuori Moda », mais ça ne se fera finalement pas contrairement aux 5 titres au concert au jardin public de La Spezia (05/81) avec RAF punk et Fall out inclus dans la cassette « Punx united » sortis la même année par les punks de La Spezia.

Le délire sonore de 85 continue avec les Skinarmy et deux cassettes à leur actif, une live et l'autre en répète, les Combat 84 de la Romagne , à 100% ! La fin des années 80 verra les sorties de groupes RAC comme V.B.R., Peggior Amico et d'autres qui n'ont pas leur place dans cet article. Dans un tout autre esprit, les démos de Klasse Kriminale (01/88) et l'excellente «  La Rumba  » (11/87) des premiers, véritables Ghetto 84, qui fait d'eux un des meilleurs groupe Oi !/ Street r'n'roll italien de tous les temps.

Il existe également des enregistrements tellement inédits qu'on n'est même pas sûrs de leur existence. Il s'agit de titres de Sweet Baby Oi !, U-Boats et d'autres encore.

Fanzines et autres délires écrits à haut potentiel

Je pourrais commencer en vous racontant que moi aussi je faisais un fanzine, mais ce ne serait pas honnête vu que « Pinhead Generation » n'a commencé qu'au début de l'année 94. Retournons donc à Bologne en 1981 voir ce que combinait Oddone « Skin Bondage » Ricci, autrement connu comme « le père des skins italiens ».

A cette époque Oddone, après diverses expériences de zines punk comme « Bronco Billy » et « Fuck off » se lance en solitaire dans « Oi ! oi ! oi ! » (mars 81) qui deviendra bien vite « oi ! della tarchiatezza » (été 81), probablement les premiers oi !/ skinzines italiens, même si je n'y mettrais pas ma main à couper…

A la même période à Bologne (81/82), d'autres gens se lancent dans des projets fanzinesques comme « Sabotage » (de Steno) qui fait la liaison entre la oi ! et le hardcore, « Nazypunk » et « In for a riot », à l'initiative de Capt. Kirk et Keith, futur rédacteurs en compagnie de Steno de « Banzai ! ». Il paraît qu'à ce moment, un des deux individus faisait le gigolo avec des femmes mûres pour joindre les deux bouts, pensez un peu ! La oi !, c'est aussi ça, mes amis ! Un autre fanzine, entièrement dédié aux skins, est « Asociale oi ! », associé par erreur aux Nabat alors qu'il n'était fait que par Stiv « la hyène » (leur guitariste) et sa petite amie, Susi Gottardi, une des premières skingirls italiennes, également auteure de toutes les pochettes des disques CAS records jusqu'à « Quelli che urlano ancora », à l'exception de celle de Basta, réalisée elle par Tiziano Ansaldi.

Il faut encore parler de « Antispot », fanzine punk/ oi ! réalisé à la même époque à Faenza (en Romagne) par ce sacré Fabio Pantera, batteur alors de Antispot Skinx, avec Rudy de Dioxina au chant.

Et vu que j'ai évoqué le regretté Tiziano Ansaldi de Savona, parlons de son splendide fanzine rebaptisé « W.C.K. » (Working class kids naturellement !) qui entre 82 et 85, pour un total de 8 numéros, reste sans doute le plus important pour tous les skinheads italiens. Même Gary Bushell le chroniquera plus d'une fois dans les colonnes de Sound, aux temps glorieux de la oi !. Successivement les fonctions de tatoueurs et manager de Nabat l'empêcheront d'éditer une suite dédiée principalement au ska et au skinhead reggae du nom de « Rude boys are back in town ». Il ne sortira plus rien jusqu'en 91, quand il réalise l'excellent « Blue beat shuffle », destiné, malheureusement à ne pas avoir de suite, pour les raisons que nous connaissons bien. (ndb : pour ceux qui n'ont pas suivi, Tiziano Ansaldi est mort en 94 d'une crise d'apoplexie, c'est pour rassembler de l'argent pour sa mère paralysée que Nabat se sont reformés en 95)

Même si ce n'est pas vraiment un skinzine, mais bien un chaoszine, T.V.O.R. de Stiv Valli et Marco « poignée de porte » de Milan/Come, reste un des zines punk/ oi !/ Hardcore les plus mémorables en absolu. Cinq numéros seulement, entre 81 et 85, scelleront comme aucun autre un mythe qui perdure aujourd'hui encore. Je n'exagère rien en disant que l' « usé »Valli ferait une bonne action, vraiment, en rééditant le tout en format livre ou au moins fanzine relié. Penses-y, mon vieux !

Il reste encore de cette époque le célèbre « Fuori Moda », de Moretti, de Milan, alors qu'à Bologne, comme je disais, Captain Kirk, Keith et Steno donneront à la presse « Banzai ! », un zine considéré comme l'organe officiel du mouvement oi ! italien, et qui recueillait, entre autre, la collaboration de tout le « comité oi ! ». Mais malheureusement, à cause des événements de Certaldo et d'autres désillusions quant à la tournure que prenait la scène, le tout se termina par un naufrage après seulement le deuxième numéro. Même Tiziano WCK était de la partie et ses poèmes de rue sur le dernier numéro restent célèbres !

« All out attack » de Vicenza reste parmi les fanzines majeurs de l'époque, avec un contenu punk/ skin/ hardcore fruit de l'orientation des différents rédacteurs. Destiné à changer de format et de contenu à partir du n°9, quand il se consacre entièrement aux skinheads (1985/ 86), pour prendre ensuite un virage définitif au printemps 87 en faveur de la grandissante scène RAC/ White power internationale, il s'arrêtera définitivement à la fin 89.

En décembre 83, c'est au tour de « Kriminal Klass » de Savona, qui aujourd'hui encore- pauvre de nous !- continue à tourmenter notre sommeil. Un total de 43 numéros ( !) qui ont accompagné la oi ! italienne jusqu'aux années 2000, grâce à la constance et à la passion (presque maniaque) de notre Ballestrino national. Sans doute un des fanzines les plus anciens d'Europe. Il faut se rappeler que le fanzine était principalement rédigé, dans les premières années, par Max Chiomento, un autre skin de Savona, ami de Marco, qui après avoir été le premier bassiste de Klasse Kriminale, est parti à Londres à l'été 86, à cause, semble-t-il, d'ennuis avec la justice.

La nouveauté de l'année 84 fut « La voce della Romagna » de ce fou de Pantera, destiné cependant à s'arrêter au premier numéro (Paganini ne fait pas de rappel…). Il restera tout de même un des meilleurs fanzines de cette époque.

A Rome, un des premiers fanzines sera « Anfibi » (punk/oi !), mais le premier vrai skinzine reste « Joys of noise » (1984) de Turbo des F.U.N., même si deux numéros seulement en disent long sur l'indolence légendaire des romains… Toujours dans la capitale, c'était ce fou de Lupacchini qui fit bouger la scène oi ! et hardcore avec « Straight edge » d'abord, suivi au milieu des années 80 par « Gioventu rasata » (skinzine à 100%), jusqu'à « La nostra europa » en 88/89, fanzine RAC à tous les niveaux. F.U.N., réaliseront en 83 un unique numéro de leur propre fanzine, « FUN zine ».

A Monza, entre 84 et 87, il y eu le skinzine « Fuorilegge », et à Bologne, à la même période, Paolo Morisi réalisera « Cittadino del mondo » (citoyen du monde, habitant à New-york avec des grands-parents à Bologne et à Rome), et avec d'autres skins de Bologne, il réalisa « A way of life », connu également à l'étranger.

La seconde moitié des années 80 vit une nouvelle vague de fanzines qui cependant entretenaient un peu la confusion qui régnait à l'époque entre ska, oi !, RAC, spirit of 69, etc. Il y aura « Linea Gotica » de Trento, « No surrender » de Gène, « Hated and proud » de F. Fabbri de Padoue, « Ragazzi di strada » de Max (ex-Los Fastidios) et « Runnin' Riot » de Bluto de Turin.

D'autres productions, à mon avis plus réussie, restent « Cannibal cafe » de Ivano et Depla de Come (88/ 90), « Scooter Front » de Gènes, un fanzine mensuel, qui outre de mods et scooters parlait également de ska et oi! et qui comptait parmi ses collaborateurs Fabio Lai de « Fronte del Porto ». Un fanzine beau et original fut « Toscana stomping rude » de Pise, réalisé par Aldobrando et Roccina (89/ 90), alors qu'en provenance de Verone, un des fanzines les plus connus, appréciés, et mieux réalisés reste « Enjoy yourself », qui outre le ska et le rocksteady, avait également une petite partie oi !. Il sortira tous les mois, du début 88 à février 90, avec 22 numéros, plus quelques suppléments remarquables grâce à l'excellent Tiziano de Savona (« Ska doctor » pour l'occasion).

Conclusion

J'espère vraiment que cette présentation de la oi ! italienne des « premières années » vous a satisfaits, que la plupart des détails énumérés ne seront pas perdus, et que cela vous servira au contraire à comprendre des aspects de cette scène qui, après 15-20 ans, avaient été oubliés.

Un grand merci encore au bon Benjamin pour m'avoir donné l'occasion d'apparaître dans les page de son fanzine, et un salut (ndb : ça va pour cette fois, tu l'as bien mérité, sacré Folco !) à tous les amis français (Manu & Cathy, Nicolas BDS, Philippe Wagner, David Lopez, Sacha "Beer Bellies" et tous ceux que j'ai oubliés). Bonne chance à tous et gardez la tête haute ! ! !