JIM MURPLE MEMORIAL

Tiré de “Une vie pour rien? » n°5

Jim Murple Memorial n'est peut-être pas bien connu de beaucoup d'entre vous, vu qu'ils ne tournent pas spécialement en effet dans les milieux " rasés ". Leur public est aujourd'hui plutôt varié, mais il ne faut pas s'y tromper, Jim Murple dès leurs débuts en 1997 attirent un public en partie rock'n'roll (skins, punks, rockers), ils font à cette époque du ska 60's/ rocksteady qui leur attire pas mal d'amateurs, dès la sortie de leur excellente première démo K7, qui paraîtra ensuite sur leur premier album. Le rythm'n'blues a toujours fait partie de leurs influences, de sorte qu'ils donneront rapidement à leur musique le nom de rythm'n'blues jamaïcain. Aujourd'hui leur son est bien plus rythm'n'blues qu'à leurs débuts et ils attirent un public nombreux et varié à leurs concerts (d'ailleurs nous ne pourrons pas rentrer au concert le jour de l'interview, plus de place ! Et la salle devait faire bien plus de 500 places…) mais c'est toujours une référence pour les amateurs de ska/ rocksteady, sur Paris tout au moins.

Pour commencer un peu par le début, vous avez commencé dans une scène assez restreinte, la situation a bien évolué depuis, non ?

Effectivement, je suis passé aujourd'hui dans un bar à Aubervillier, où on avait joué, il y avait 50-60 personnes. Il y avait une bonne ambiance. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui il y a beaucoup plus de monde, il y a du tout-venant, des gens qui ne connaissent pas le ska ou le reggae. On a joué à Dunkerque la semaine dernière, il y avait plus de 400 personnes. Il y a plein de jeunes.

Vous savez comment ils ont connu Jim Murple ? Souvent, la démarche d'un groupe qui vient d'une petite scène (et ce qui en pourri pas mal…) et qui commence à marcher sera de dire, " il faut essayer d'aller sur une major ou un gros label pour toucher plus de monde ", vous n'avez pas eu cette démarche du tout, il n'y a pas un moment où vous vous êtes posés la question ?

Si bien sûr, il y a des gens qui se disent " On pourrait faire des trucs avec plus de moyens ". Et tout le monde se dit ça juste pour le bien-être : on en vit tous depuis un an environ même, moi ça fait trois, même si je vis depuis quinze ans de la musique. Mais tu réfléchis, tu vois les histoires qu'il y a autour, des groupes engagés pour 3-4 albums, tu vois ce qui se passe, et tu vois comment leur musique s'en ressent. On peut en vivre tant mieux, mais sinon, tu bricoles à coté, le plus important c'est ce que tu joues, il ne faut pas essayer de faire un truc commercial. Quoique récemment, on a écrit des trucs en français, mais c'est venu naturellement. Au début on se disait " Des compos on ne va pas en faire, il y a tellement de supers morceaux ". Et en fait c'est venu naturellement, on va en faire ce soir, mais bon il ne faut pas que ce soit une démarche, " On va faire des titres en français pour que ça marche ". Le plus important c'est les gens que je vois devant moi, si je vois que les gens commencent à faire la gueule, que ça ne danse plus trop, je me dis " Celle là, je ne la referai plus jamais ! ".

Comment vous êtes arrivés sur Patate rec au début?

A l'origine c'est Denis qui connaissait bien Pierre depuis la Marabunta. Denis n'est plus là mais bon après j'ai connu Pierre, on bosse souvent ensemble, on va en Angleterre chercher des disques. C'est un pote, et puis je pense que c'est le seul qui est apte à sortir notre style de musique, même si on a un petit coté rythm'n'blues dont il n'est pas très fan. Mais bon, lui aussi a évolué dans le son, il n'écoute plus que du early reggae, même s'il adore toujours. D'ailleurs il va peut-être rechanter des trucs avec nous.

Pour le 3ème album, vous avez eu plus de proposition, de moyens ?

Bien de toutes manières, les labels ne nous branchent pas. Ils savent qu'on se démerde par nous-mêmes, on n'a besoin de personne : on fait les disques avec Pierre, on enregistre nous-mêmes. Les gens qui nous ont branchés, vu que je demandais un peu d'argent, ils ne nous ont pas redemandé. Il y a beaucoup de groupes qui font des compiles pour rien du tout, nous c'est notre gagne pain, donc parfois on demande une participation. Pour Patate, on fait un morceau pour rien, mais pour quelqu'un d'autre dont on sait qu'il va se faire de l'argent… Par exemple, sur les compilations " Frenchy reggae party ", les groupes sont payés en droit d'auteur, mais il faut voir combien il gagne le gars qui les fait. Moi je veux bien ne pas gagner d'argent si personne n'en gagne.

Tu disais que tu vis de la musique depuis quinze ans, qu'est-ce que tu faisais avant ?

Je jouais dans la rue, le métro, je me démerdais, j'étais payé au black, ça fait trois ans que j'ai le statut, d'un mec reconnu par l'état, ce statut de merde d'intermittent, chômeur professionnel en fait, puisque tu es plus payé par les assedics que par tes cachets, mais bon, je suis content, je peux en profiter, j'en profite. J'ai appris à jouer dans la rue depuis que j'ai une contrebasse, il y a 15-16 ans.

C'était quoi comme groupe ?

J'ai joué avec un groupe qui s'appelait Almost Presley, à un moment on a joué avec Nikus (ndlr : de Warrum Joe), on a fait quelques concerts ensemble, au Rex Club, au Gibus ou à la loco. Nikus écoutait du Dead Kenedys à fond, il mettait un truc saturé sur une espèce de blues un peu bizarre qu'on faisait.

Et vous faisiez ça dans le métro !?

Non, car Nikus jouait électriquement, on a fait quelques clubs, on a tourné pas mal comme ça. Nous en parallèle continuait à jouer dans le métro pour gagner notre vie. Après j'ai commencé à faire d'autres groupes, de rock'n'roll…

Justement avez un son rythm'n'blues, ska, musiques jamaïcaines, mais on a l'impression que sur le fond vous avez une grosse culture rock'n'roll 50's ou 40's…

Chez moi je n'écoute que ça, j'écoute même du blues des années 20-30, c'est l'essentiel pour moi. Mais tu écoutes Laurel Aitken tu comprends tout, on est tous des fans d'Amos Milburn, c'est une grosse référence de Laurel Aitken. Sans tous les chanteurs rythm'n'blues du sud des Etats Unis, il n'y aurait pas de ska. Moi je suis fan de ces trucs là. Un gars qui s'appelle Archibald en 50-52, c'est lui que les Rollers (ceux qui ont fait " Rude Boy " (ndlr : reprise par Toltshock plus récemment et dans un autre style) et " Wrong and bayo ") reprennent. Ils font une espèce de connexion. Au lieu de commencer par un morceau jazz comme les Clash l'ont fait et faire " Wrong and bayo ", la version des Rollers, donc l'original, commence par Stagger Lee. C'est un morceau vraiment important, il est sur une compile ska/ rock-steady que tu peux trouver : " Dance all night ".

Au niveau des influences toujours, est-ce que la chanteuse n'a pas une formation jazz ?

Si, bien sûr, elle a fait l'école de jazz et compagnie…

Sinon, une partie du public a toujours été rock'n'roll.

Oui, moi je vois car j'ai toujours eu des potes rockers, quand tu joues de la contrebasse tu as toujours des potes rockers de toutes manières. Mais le rockabillie je ne suis pas un fan, moi c'est vraiment du rythm'n'blues, et du blues que j'aime, chez moi il n'y a pratiquement que de la musique black. Dans le milieu rock'n'roll, un mec a sorti une série de trois vinyles, ça s'appelle " Original rythm'n'blues and ska " sur Mango Wood. Tous les rockers ont apprécié ça, après il y a toujours le fait de pas passer pour un con si tu dis " Ça c'est bien ". On parle de musique, pas de secte… Mais si tu aimes le rythm'n'blues, si tu aimes le rock'n'roll, tu aimes le ska, forcément.

Jim Murple c'était justement un des premiers groupes depuis longtemps sur Paris qui attire un public mélangé, où tu vois des skins, des keupons, des fifty's.

Je suis content de ça, sans avoir cherché à le faire, ça s'est fait naturellement. Et puis ça se passe bien, bon il y a eu des embrouilles, des trucs de personnes, mais bon, toujours, tu vois que les gens sont là pour s'amuser. J'ai vu des mecs essayer de pogoter sur ce qu'on fait, au bout de cinq secondes, ils se rendent compte que ça ne sert à rien, qu'il faut juste danser.

Il y a un endroit où vous êtes plus appréciés ?

Non, pas particulièrement, les gens réagissent différemment suivant les endroit, mais ce n'est pas plus ou moins. Maintenant on voit plus souvent le gens qui bougent la bouche quand on joue. Mais bon il y en a qui font semblant, ils sont habitués au karaoké…

Vous avez eu des changements de personnels, ça a posé des problèmes pour les remplacer ?

Oui ça a été chiant, car Denis c'est un super batteur, on a essayé 4 batteurs pour trouver le bon, Eric. Mais bon ça s'est fait dans une bonne ambiance, ça n'a pas bloqué le groupe, il en avait marre, partir en province, et puis il y a le facteur humain.

Vous jouez aussi à l'étranger ?

Pour l'instant je ne sais pas car on a changé de distributeur. Ça faisait un moment qu'on était pas sur la même longueur d'onde, surtout avec un mec de Tripsi, Nanard fini, on n'était pas d'accord sur la musique, ça va, mais la sortie du disque a eu trois semaines de retard parce qu'ils ont privilégié la compile qu'ils produisaient en hommage à la Mano. Pas de problème mais qu'ils soient clairs, parce que là on s'est fait avoir sur les prix verts à la fnac, enfin que de la merde, ça commençait à faire trop. En plus, le live s'est super bien vendu, alors que c'était juste pour sortir un truc comme on n'avait rien sorti depuis 2 ans. Donc maintenant on va chez mélodie, même si j'étais un peu frileux personnellement vu que Mélodie c'est plutôt World et compagnie…

Vous arrivez à avoir un contrôle sur ce que vous vendez ?

Oui oui, mais moi je veux le savoir sans le savoir, parce que je ne veux pas que ça change ma vision de la musique, je veux toujours fonctionner comme je le faisais il y a 5-6 ans avec Jim Murple. " Il faut vendre parce que ça ramène de la tune " ça mène toujours à la catastrophe.

Autrement dans les trucs actuels, est-ce qu'il y a des groupes qui vous branchent ?

Oui, en France il y a un super niveau actuellement. Enfin moi je suis un peu spécial, je n'écoute pas tellement de trucs actuels. K2R sont sympa, mais j'ai trouvé qu'ils avaient beaucoup changé quand on a joué avec eux récemment. Ils évoluent ils font autre chose mais bon… Je suis passé au Ménestrel récemment, il y avait les Teckels, je trouvais ça carrément bien. Le concert au Gibus avec 8°6 était sympa, quand j'ai écouté le disque je l'ai trouvé excellent, quand je voyais Charlie et les autres je l'imaginais beaucoup plus oi ! que ça.

Est-ce que vous faites attention aux prix des concerts, à rester accessibles ?

Oui, on en a discuté hier, parce qu'on va faire 2 jours au New Morning au mois de mars, et on faisait gaffe à faire les places pas plus de 65F . La solution c'était de ne pas être payés sur les concerts, et puis c'est tout. Bien sûr les gens à qui on loue la salle vont se faire de la tune sur notre dos, mais bon. J'aurais aimé avoir une salle un peu atypique mais, je viens d'avoir une petite fille, donc je n'ai pas eu le temps de m'en occuper.

Et un plan comme le concert gratuit à la Villette , c'est venu comment ?

C'est une nana de la Villette qui nous avait vus il y a longtemps et qui est venue prendre des nouvelles. On venait de trois festivals à la campagne, arrivé à la Villette , ça fait un peu bizarre… Un soleil d'enfer, les autres ont commencé à jouer, et hop la pluie !

Bon un petit reproche, vous écoutez pas mal de vieux trucs bien agréables à écouter en vinyle, mais vous sortez tout en CD.

J'attendais ta question. A partir du mois de février, on va sortir un 45 T tous les mois, on pense faire une série de dix à peu près. Nous, avec Pierre on va souvent en Angleterre, on ira un peu plus souvent pour chercher les disques.

Pourquoi, vous enregistrez en Angleterre ?

Non, c'est moi qui enregistre tous les disques de Jim Murple. On a un 4 pistes dans le studio à Montreuil, on fait les ¾ en live, c'est le même 4 pistes qu'avait Lee Perry, un 33-40. Il n'y a que sur le premier CD on a deux morceaux enregistrés en 24 pistes, et on s'est dits, " On perd notre temps ". C'était Clark le banjoiste de " Ceux qui marchent debout " qui l'avait enregistré, et puis je me suis dis " Autant que j'essaie de le faire moi-même ", et depuis c'est moi qui fais tout, les prises, les mixs, et le mastering des lives. J'ai enregistré le dernier disque des Spash 4 aussi. J'ai vraiment le minimum, je ne suis pas un ingénieur du son, moi j'aime bien les petits accidents, j'essaie de faire le mieux possible, mais j'ai trop perdu de temps dans les studios d'enregistrements avec un mec qui touche les bouton et compagnie. Tu branches un micro, tu te mets dessus, et voilà.

Vous jouez souvent en ce moment ?

En ce moment ça fait 8-9 concerts par mois.

Et Albert, vous l'emmenez partout ?

Non, on l'a emmené en Espagne mais c'était un peu trop long pour lui je crois. C'était marrant il dansait sur le coté de la scène, on nous a dit après : les gens pensaient que c'était notre gourou. Pour le coup des RGs, en fait, c'est Didier Wampas qui avait lancé ça. Mais bon c'est vrai que quand tu le connais pas, tu peux te dire…

Par rapport aux Wampas, cela fait bientôt 20 ans qu'ils jouent, ils ont eu une évolution très tôt, est-ce que tu te dis " Est-ce que je pourrais faire du Jim Murple pendant 20 ans ou est-ce qu'il va falloir évoluer ? ".

Si tu commences à te poser des questions comme ça tu deviens fou ! Tu ne sais pas ce que tu deviendras plus tard, j'espère faire la même chose mais en mieux. Mais pour les Wampas quand Alain est parti, le groupe a changé d'horizon complètement.

Parfois il suffit de pas grand chose.

C'est sûr, peut être que là on ne s'en rend pas compte mais qu'avec les changements de personnes, vous nous direz.

Au fait, le nom Jim Murple, ça vient d'où ?

C'était un guitariste de blues qui a un peu touché à tout. En fit c'est un peu le musicien inconnu. Ça peut être ce mec-là ou un mec comme Archibald, sauf que lui il a enregistré, mais je suis sûr que des mecs comme ça il y en a eu à la tonne. Ce n'est pas parce que tu fais un disque ou que ça marche que ce que tu fais vaut mieux que ce que fait un autre, ou que ce qu'on fait d'autres.