PARIS SCENE REPORT

D'hier et d'aujoud'hui

Tiré de « Une vie pour rien ? » n°5-Mai 2002

S'il y a un groupe oi! qui a marqué ces dernières années la scène oi! en France, c'est bien les Teckels. En témoigne le sondage que nous avions lancé dans le précédent numéro du zine (et auquel une centaine de personnes ont répondu, voir "Les Caves se Rebiffent" HS), où ils arrivaient largement en tête des meilleurs groupes français des années 90. Leur dernier concert au Tigre à Reims, devant une soixantaine de personnes a donc été un moment spécial. Et tirer le bilan de ces quelques années avec Fabrice le chanteur était inévitable. Pour ce concert pas de déguisement de skinhead girl comme au Gambetta avec Guillotine en invité(e)s, ou d'entrée au pied de la scène en ambulance DS années 60 déguisés en infirmières comme au festival à Arcueil (qui se finira d'ailleurs en grosse baston!), mais des costumes de policiers des plus réussis, à l'occasion peut-être de l'été bleu marine qui nous a été promis suite aux élections… De toutes manières, ils avaient encore pas mal d'idée de déguisement, ce n'est pas cela qui les aurait fait arrêter: " On n'a pas eu le temps de faire voyageurs au centre de la terre, déguisés en vulcanologues, on voulait même m'habiller en boîte à rythmes et reprendre un morceau des bérus. ". Alors, pourquoi arrêter ? " Pour plein de raisons. 5 ans d'existence c'est déjà pas mal. On avait plein d'idées de morceaux encore, il n'y a absolument pas d'embrouilles dans le groupe mais une certaine lassitude musicale d'un des membres du groupe, et puis on trouve qu'il se passe avec cette troisième vague oi ! la même chose qu'il s'est passé au début des années 80 en Angleterre et pendant la deuxième moitié des 80's en France : le fait qu'il y ait des gens extrémistes aux concerts ne me gène pas, ça fait partie du truc, du moment que l'ambiance ou les comportements extrémistes ne transpirent pas. On a toujours fait attention à ne pas jouer à certains endroits mais là, on n'est pas trop contents de la tournure que prennent les choses. Au dernier Morville, on ne s'est pas marrés par exemple, il manque des gens vraiment rigolos, des François Toltshock, Eric Lutèce, Manu Teckels… ". Un dernier concert à Reims, ce n'est pas banal pour un groupe parisien, pas de raison particulière apparemment, " C'est une coïncidence de calendrier, on avait décidé qu'on arrêterait avant l'été, c'est tombé comme ça. On est quand même très contents que notre dernier concert se soit fait avec Toltshock et Bad Riot, qu'on aime beaucoup. ". Et à la fin du concert, ils avaient l'air plutôt ému, " Pour ma part j'avais les larmes aux yeux, c'est la fin d'une aventure. Il y avait une dizaine de personnes dans la salle qu'on connaît bien et qui nous suivent depuis 5 ans. Il y avait vraiment quelque chose de presque familial qui s'arrêtait. On était très émus. Mais comme je te l'avais dit il y a 4 ans, j'étais très frustré de ne jamais avoir eu la chance de jouer dans un groupe de oi ! et on est vraiment contents que ça se soit aussi bien passé, qu'il y ait eu aussi peu de bastons aux concerts, que les gens aient compris l'esprit, il y a toujours eu plein de gens différents aux concerts, c'est une de nos grandes fiertés. La seule frustration qu'on a : on aurait voulu jouer plus en province. Ça ne s'est pas fait faute de propositions. Aussi, un de nos seuls regrets c'est de n'être parfois assimilés qu'à un groupe fun. On n'est pas les Toy Dolls, on a tous des opinions politiques, même si aucun n'est extrémiste. On parle de nos vies, on a toujours été très francs. Pour moi la oi ! il n'y a pas un mouvement musical qui te démontre comme ça que les potes c'est vital, construire quelque chose avec une meuf, c'est vital, mais que mater les films de boule, c'est vachement bien aussi, avoir envie de tromper sa meuf c'est bien aussi, ne pas avoir envie de se lever le matin pour aller au travail, c'est normal, mais d'être fier d'avoir un travail aussi. C'est un des mouvements les plus francs. La plupart des mecs auraient pu devenir des beaufs et les meufs des pétasses si ils/ elles n'avaient pas été dans ce milieu là.". Ça va maintenant continuer, et d'ailleurs certains membres devraient remonter quelque chose à la rentrée, dans un style un peu différent "De toutes manières, on continuera à aller dans les concerts, acheter des disques, ce n'est pas parce qu'on arrête que ça va changer quelque chose à ce niveau. Ça a été un réel bonheur de faire ça pendant 5 ans. Nous sommes contents d'avoir apporté une pierre à l'édifice de ce petit mouvement qu'il y a eu en France, d'avoir fait partie des 7-8 groupes qui ont constitué cette scène. Un truc qui a vraiment été très bien, il n'y avait pas de concurrence entre les groupes. Quel plaisir de se retrouver pour une ou deux dates avec un groupe de copains : quand tu joues, ça commence au moment où tu te lèves et ça se termine dans le duvet en se couchant dans un mauvais squat, avec les dernières crises de rire à 5 heures et demi du matin bourrés… "

C'était également l'avant dernier concert de Toltshock qui finissaient en Bretagne le 1er juin, nous en avons parlé par ailleurs, mais il y a aussi deux groupes qui ont marqué cette période et ont arrêté récemment. C'est d'abords P38 de Marseille. Après plusieurs 45T/ split 45T de très bonne oi !, un album plus punk et un gros boulot de la part de Momo le batteur (puis chanteur quelques mois) dans l'organisation de concerts notamment depuis 5 ans, qui ont jeté l'éponge, lassés par les embrouilles et les catalogages systématiques, et notamment après une mini-tournée, qui les aura vus faire face sur trois dates, aux fafs venus foutre la merde à Toulouse, à l'absence de public à Limoge le vendredi suite, entre autres, aux appels au boycott du groupe par les reds locaux, restés bloqués sur des vieux ragots sans fondements divulgués dans Barricata, et aux embrouilles toute la soirée entre skins et punks et skins bourrés le samedi soir en Bretagne, de quoi démoraliser effectivement! Un autre groupe dont nous n'avons pas eu le temps de parler dans le zine pour la simple raison qu'ils n'ont commencé qu'au moment de la sortie du dernier numéro et ont arrêté il y a quelques mois, c'est Voices of Bellevilles, qui se sont fait rapidement un public sur Paris, et ont eu l'occasion de jouer pas mal pour un groupe de oi ! sur Paris principalement et un date en Allemagne avec les Templars également. Ils laissent un bon 45T derrière eux, " East Side ", 4 titres oi ! assez bourrins, dont l'excellent " Rien regretter " et une superbe pochette reprenant le "Skinhead Moonstomp " de Symarip.

Mais après tout ça, vous me direz, plus rien ? Bien sûr que non, il reste encore pas mal de groupes et de nouveaux se sont formés, puisqu'on parlait de Voices Of Belleville, Philippe le batteur a formé un groupe de Hardcore old school qui décape vraiment, Value Driven, à voir absolument puisqu'il n'y a pas eu tellement de groupes aussi carrés dans le style en France auparavant. Ils ont sorti un album "Back From Where it Starts". Le bassiste, Martin et Vincent, à la guitare après le départ de Franco, jouent dans Moonlight Wankers (oi ! music by wankers for wankers) qui ont fait leur premier concert en mai dernier. Plus proches des P38, eux, du côté de Marseille, on a eu l'occasion de voir pour leur premier concert en première partie de Warrior kids le 5 octobre Dislukids, groupe de oi ! avec un côté rock'n'roll très prononcé qui ont fait une très bonne prestation. J'attends avec impatience d'entendre un enregistrement.

Allons voir un peu du côté de la Bretagne , et plus précisement de St-Brieuc, s'il y a un morceaux qui risque de devenir un classique, c'est bien “103 Pogo” du groupe de même nom sur la compile Breizh Disorder: “103 Pogo, c'est pas du skin facho, 103 Pogo, c'est pas du skin coco, 103 Pogo, pas du punk anarcho, 103 Pogo, c'est juste la oi! dans les bistrots”. Sinon, pas eu l'occasion d'écouter autre chose du groupe donc je demande à voir. Par contre, j'ai eu l'occasion de voir le chanteur en solo avec guitare sèche (sous le nom de Loloi tout court je crois) faire de la chanson oi!, avec reprises de LSD,103 Pogo bien sûr, compos personnelles, excellent!!

Du même côté, à Pommeret, Apple Crew devraient à priori reprendre avec un changement de chanteur, après leur démo dont est issu le très bon “oi! the Pommeraisin” sur la même compile que les précédents: “nous on est de Pommeret, et on fait de la oi!, à Paris, il y a qui appellent ça de la ouha, alors qu'un o avec un i ça fait oi! oi!”, et avec ça, ça sonne quand même plus punk qu'autre chose, on va voir donc ce que ça donne maintenant. Pour clôturer l'état de la région, un groupe qui n'en n'est encore qu'au stade des répètes, ce sont les Lourds Cinq, et on peut faire confiance à l'un d'entre eux au moins pour assumer le nom (même pour les quatre autres d'ailleurs).

Du côté de Reims cette fois, Bad Riot jouent depuis 2-3 ans maintenant et après quelques changements de formation, il ont sorti une démo, assez sympa. Musique mi tempo ou speed, et une voix très mélodique qui ne plaira pas à tout le monde, mais pour moi, ça le fait. Une chanson qui sort du lot pour moi, " Billy's song ", sur un marine parti au Viet Nam. Pas mal de références à des groupes sinon, Wundebach notamment et LSD, auxquels ils consacrent même une chanson. A voir également "Anna", l'adaptation rémoise de l'excellente " Marie Madeleine " de Ru Raya. Contact : Valéry Carteron/ 02 allée du Rouergue/ 51 200 Epernay.

Un groupe bien sympa, dans l'esprit du zine Hells Ass, c'est La Confrérie des Connards, de Strasbourg, la réincarnation, si j'ai bien compris, de la troupe dissoute en 1610 par le cardinal Richelieu pour cause de "Production de spectacles licencieux faisant outrage à la morale publique". Ils ont sorti une démo, oi ! mi-tempo assez basique mais mélodique et avec une guitare solo grésillante et très rock'n'roll, et surtout des paroles vraiment délires, le refrain de Serge : " Serge ! tu es un anarchiste, Merde ! tu te fais chier la bite " ou encore le chant des Cénobites : " docs bretelles et cheveux ras, jamais personne ne les aimera, les cénobites en branle-bas de combat, les cénobites en branle-bas de combaaaaat ! ". Des reprises de Indochine par exemple, un massacre d'Ultima Thule, enfin un bon moment quoi, et je demande à voir en concert, en espérant que leurs problèmes de formations se sont résolus. Contact : Harthong Familly/ 24 Av Gal De Gaulle/ 67 000 Strasbourg.

Un retour sur Paris maintenant pour finir ce tour d'horizon (rapide et incomplet d'ailleurs mais bon on fait ce qu'on peut…), avec les Survet Skins (skinhead dans le vent, skinhead en survêtement), mix de 8°6 Crew et Happy kolo qui font du streetpunk à guitares, qui ont fait récemment quelques concerts, et ont enregistré 6-7 titres. Un nouveau groupe de oi ! qui a sorti un bon 45T, c'est Œil pour Œil, au début, un peu de mal, ça sonne oi! très lente et lourde, musique simple, voix ultra forcée et grosses poses sur les photos (chacun des éléments n'est pas un reproche mais après ça fait vraiment "on veut que ça fasse skin, le reste on verra après "), mais sur l'autre face le titre " Perpète " est vraiment bon, le ton des textes et le style est incisif, à part peut-être sur "Dictateur ". Contact Bord De Seine.

Vu pour leur premier concert début juin, Q-Sec, pas encore très carrés, mais qui ont rapidement convaincu la grosse cinquantaine de personnes présentes, un style assez speed qui rappelle sans discussion possible l'Infanterie Sauvage, surtout quand on voit l'attitude du chanteur en concert: même si on n'a jamais vu l'Infanterie Sauvage, on aurait du mal à imaginer un autre jeu de scène.

On termine avec KTS, de Rambouillet qui viennent de sortir un CD 8 titres autoproduit. Les gars ont commencé en 96 alors qu'ils étaient encore au lycée, et ils ont fait une quinzaine de concerts depuis 98. Le CD contient pas mal de titres punk bourrin à la Casualties , bien fait mais bon, c'est pas mon truc, par contre les 2-3 titres oi !, comme " Berlin est ", " Soldat Inconnu " sont vraiment excellents, travaillés, et plein d'idées, en espérant qu'il en feront d'autres comme ça. Les gars font une asso, Let's Go, qui organise des concerts notamment. Contact : kts@free.fr.