SPION KOP (Liverpool FC)

Tiré de "Une vie pour rien?" n°2

C'est en 1906, soit 14 ans après la création du club, que commence l'histoire du Spion-Kop. Ce n'est alors qu'un terre-plein, situé derrière deux buts, destiné à accueillir les spectateurs du Liverpool FC. Son nom provient du nom d'une colline d'Afrique du sud où beaucoup de soldats britanniques originaires du nord (et notamment Liverpool) furent tués quelques années plus tôt (le 24 janvier 1900 pendant la guerre des Boers). Petit à petit, la tribune prend forme et en 1928, elle devient couverte. Elle peut alors accueillir à elle seule environ 30 000 personnes, debout bien entendu.

Les supporters des Reds se font rapidement connaître. Ils n'hésitent pas à chambrer les joueurs adverses mais ils savent aussi être très fair-play : lorsque Pat Jennings (gardien de Tottenham) arrête 2 penaltys de suite devant le Kop, il a droit à une extraordinaire ovation. Les drapeaux et les écharpent fleurissent et le célèbre « You'll never walk alone » va être entonné à chaque match de Liverpool par les fans à partir du moment où « Garry and the Pacemakers » en font une reprise en 1964. Ce chant fait lui aussi partie du mythe de Liverpool puisqu'il devient l'hymne du club (il est même écrit sur les grilles du stade) et la chanson des supporters sans aucun doute la plus connue et reprise par la suite (même si ce n'est pas une référence, PINK FLOYD l'a utilisée).

Peu à peu, le Spion Kop forge sa légende basée essentiellement sur les chants entonnés au stade d'Anfield Road et la fidélité des fans toujours très nombreux à suivre leur équipe. Cette légende doit beaucoup à l'entraîneur de Liverpool dans les années 1960. Bill Shankly. Il adore ses fans et le montre dès qu'il le peut. Contrairement à de nombreux supporters, à Liverpoll la violence paraît passer au second plan à cette époque. Même si elle est présente, le Kop tire plus de fierté de la passion de ses supporters que de leur violence. Liverpool passera d'ailleurs durant de nombreuses années pour avoir un public exemplaire : Fair-play, non-violence, chants… Ceci est plus ou moins prouvé lors des derbys contre Everton qui ne donnent que rarement lieu à des incidents.

A partir de 1966, les supporters de Liverpool ont même droit à un fanzine officiel donnant les dernières nouvelles de la vie du club et qui est tout simplement appelé « KOP ». Dans les années 70, la légende du Kop de Liverpool dépasse les frontières de l'Angleterre pour s'attaquer à l'Europe. Aucun incident grave n'est à déplorer lors de leur venue à St-Etienne en 1977 (contrairement aux fans de Manchester) et le match retour se joue dans une ambiance extraordinaire qui aura sans doute aidé les joueurs dans leur victoire. Mais, plusieurs incidents ont quand même lieu lors des descentes de Liverpool sur le continent. En voici une petite liste :

Mönchengladbach-LFC (1978) : bagarres, arrestations ; Bayern Munich-LFC (1981) : bagarres et vandalisme ; LFC-Real Madrid à Paris (1981) : nombreux vols et actes de vandalisme ; AS Roma-LFC (1984) : nombreuses bagarres et charges importantes de police ; Vienne-LFC (1985) : bagarres, vols, vandalisme… Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si les fans de Liverpool traînent en Angleterre une image de voleurs. Sans qu'il y ait pourtant d'incidents importants à Anfield, la tribune est peu à peu réduite pour des raisons de sécurité. Mais elle garde ses places debout et les fans sont toujours aussi bruyants.

De nombreuse anecdotes circulent sur le Spion Kop. Par exemple, lors de certains matchs, à cause du brouillard, il était impossible de reconnaître les joueurs lorsque des actions se déroulaient de l'autre côté du terrain. S'il y avait un but à ce moment là, personne ne savait qui avait marqué. Le Kop chantait alors « Who scored the goal, who scored the goal… » et la tribune d'en face (Anny Road) répondait « (player) scored the goal, (player) scored the goal ». Ensuite, le Kop remerciait les supporters en face pour l'information.

Depuis le début des années 80, le Kop est reconnu en Europe et est déjà copié. Ainsi, de nombreux supporters (d'Angleterre et d'Europe) donnent à leur tribune le nom de Kop. Les Reds sont alors un exemple pour tous les supporters et passent pour les meilleurs. Cette reconnaissance va s'arrêter pour certains supporters et s'accroître pour d'autres le 29 mai 1985 lors du drame du Heysel. Ce jour-là, Liverpool rencontre la Juventus de Turin en finale de coupe d'Europe à Bruxelles. Une heure avant le match, des Anglais situés dans une tribune de sympathisants (et non d'ultras) de la Juve passent la grille qui les en séparent et chargent dans le tas. Résultat, une gigantesque bousculade et de nombreuses bagarres qui feront 38 morts (31 Italiens, 1 Anglais, 4 Belges et 2 Français) et plus de 600 blessés.

Les supporters des Reds cherchent des excuses. La première est qu'il y avait parmi eux d'autres hooligans anglais (surtout de Londres : Chelsea, West Ham…) qui auraient provoqué les incidents. Certains évoquent aussi les provocations italiennes et la présence dans leurs rangs de nombreux casseurs. Mais le principal reproche est pour la police belge accusée de ne pas avoir pris suffisamment au sérieux cette rencontre. Même si tout est en partie vraie, il n'en reste que de nombreux membres du Spion Kop était dans les bagarres et le mythe prend un sérieux coup. Les supporters anglais -principalement ceux de Liverpool- sont montrés du doigt et considérés comme des bêtes pourrissant le football. Ce match entraînera la suspension des clubs anglais en coupe d'Europe.

Malgré cela, l'histoire continue mais le Kop semble rentrer peu à peu dans le rang. Pourtant le 15 avril 1989, une nouvelle catastrophe vient endeuiller les supporters de Liverpool. En effet, lors d'une demi-finale de Cup entre Liverpool et Nottingham Forrest, le stade d'Hillsborough (Sheffield) est le théâtre d'une violente bousculade qui provoquera la mort de 95 personnes (et plus de 200 blessés). Cet accident est dû à l'entrée en force d'environ 2000 supporters de Liverpool (sans billet dans le stade alors qu'il était déjà plein, 52 000 personnes). Cette technique (« bunking in ») fréquemment utilisée par les Reds pour entrer sans payer consiste tout simplement à réunir un maximum de gars avant de foncer à travers les guichets afin d'atteindre la tribune. En principe, ça marche et au pire on est repoussés par les flics sauf que ce jour là ça a tellement bien marché que les flics ont décidé d'ouvrir les portes du stade juste avant le coup d'envoi (excellente idée !). Alors que de nombreux supporters meurent écrasés (vive les grilles dans les stades !), la police n'organise pas l'évacuation de la tribune tout de suite et repoussent même ceux qui escaladent la grille pour se libérer (2 ème excellente idée !). Au bout d'un moment, le match est tout de même arrêté et les supporters sont évacués sur la pelouse. Quelques jours plus tard, Liverpool pleure ses morts. Des milliers d ‘écharpes et de bouquets de fleurs sont déposés sur le terrain et un mémorial est construit près du stade. Pendant le match suivant contre Everton, une minute de silence est respectée dans tout le stade.

La tragédie d'Hillsborough aboutira à la mort du Spion Kop de Liverpool puisqu'elle débouche sur un rapport (rapport Taylor) qui prévoit la suppression des tribunes debout (terraces) dans lesquelles devront être installés des sièges pour la saison 94/95. Le kop vit donc son dernier match lors de la dernière journée de championnat 93/94 contre Norwich. Un tee-shirt à la gloire des 16 480 derniers kopistes est fabriqué pour l'occasion. A la fin du match, « You'll never walk alone ! » est chanté par toute la tribune et les joueurs et les supporters de Norwich applaudissent le Kop. Les joueurs de Liverpool qui étaient rentrés dans les vestiaires ressortent avec une grande banderole sur laquelle est inscrit « FROM ALL THE PLAYERS- THANK YOU ! WE WILL NEVER WALK ALONE ». Les joueurs organisent alors un tour d'honneur et les supporters leur envoient des dizaines d'écharpes.

Le Kop verra la saison suivante sa capacité réduite à 12 000 places assises. Malgré cela, l'ambiance reste très bonne à Anfield (dont la capacité est d'environ 45 000 places aujourd'hui) même si elle n'égalera jamais celle des meilleurs moments de la grande époque. Les supporters restent eux très migrateurs et on a pu s'en rendre compte en Coup d'Europe contre Paris (de 3 000 à 5 000 fans) en 96/97 et Strasbourg (entre 1 500 et 2 000) en 97/98.