SWINGO PORKIES

Tiré de « Une vie pour rien ? » n°5-Juin 2002

Swingo Porkies a été le premier groupe oi! parisien, dès 1979. Du quartier de Bonsergent (à côté de République), les seuls skins avant eux étaient ceux des Halles. Beaucoup de choses ont été dites sur eux et cette période, souvent imprécises, déformées, voire même fausses. Il était donc utile de chercher à en savoir plus par quelqu'un de directement impliqué à l'époque, puisqu'il s'agit de Denis, le guitariste du groupe, qui a écrit les textes et composé un partie des chansons.

Comment se sont formés les Swingo?

On s'est connus au lycée en première. On a connu le punk en 78, puis ça nous a un peu gonflé, on trouvait que ce n'était pas assez voyou, c'était trop baba, on cherchait une alternative, un truc plus rock'n'roll. Et il y a les Specials et d'autres groupes de ska qui sont arrivés, qui avaient une attitude bien différente. J'avais connu ça avant également par Slade. Le premier skin que j'ai vu, c'était Farid, aux Halles, il m'a dit « Tu chausses du combien ? », et puis il n'y a pas eu d'embrouilles finalement. On a alors décidé de faire un groupe skin avec moi à la guitare, Marco à la basse, Yoyo au chant, et Eric à la batterie, ça a commencé en 79. Aucun de nous ne savait jouer d'un instrument.

Votre premier concert ?

On jouait dans un lycée, il y avait un groupe de hard, un groupe punk et nous. On avait ramené deux têtes de cochons qu'on avait posées sur la scène, et à un moment j'ai shooté dans une des têtes, tout le monde s'est écarté, c'est le videur qui se l'est pris dans les couilles, et il était vraiment balaise… Après il y avait eu des articles où ils disaient qu'on était des " punk krishnas ". A part nos potes, le public était constitué de lycéens qui n'ont rien compris.

C'était facile pour répéter et pour les concert ?

On répétait en dessous d'un café à Château d'eau. Mais pour les concerts c'était très galère. On ne jouait que dans des squats en gros. Le groupe était indissociable de la bande de Bonsergent. On n'avait pas d'embrouilles, on était respectés, mais on était interdits partout. Au Gibus, au Rose Bonbon, on ne pouvait pas rentrer. On n'était pas méchants, mais on avait tendance à taper des incrustes, surtout chez les bourges, à foutre le bordel, et ça, ça passe une fois, pas deux.

Tu disais que vous étiez les skins gentils à l'époque ?

Oui, nous à Bonsergent, on a toujours été hyper gentils, on n'embrouillait pas systématiquement comme le faisaient les mecs des Halles. On n'était pas dans une logique très violente, d'éclater des gars pour rien, ça n'arrivait jamais.

Et avec les mecs des Halles, ça se passait bien ?

Oui, pas de problème en général, en fait on a eu une réputation dès le début sans rien faire, comme si on était méchants, donc ça nous a bien arrangés. Il y avait des soirées où on s'incrustait chez des mods, les gars flippaient alors qu'on n'avait rien fait, juste sur la réputation. Ceci dit je n'ai rien contre les mods, même si au début, c'était quand même les fils à papa. Un jour, je sortais du cinéma à République, dernier métro, il y avait une dizaine de mods qui ont dû se dire « On va en chopper un ». Ils m'attrapent, et coup de bol, il y avait une dizaine de black panthers dans un parc à côté. Je ne connaissais pas du tout les mecs, il y en a un qui me dit « ça va ? » comme il avait vu qu'il y avait embrouille, et moi je lui réponds comme un cake « Mais je te connais pas ! ». Et puis ça s'est arrangé.

Les concerts, ça se passait dans une bonne ambiance ?

Je ne dirais pas qu'il y avait une mauvaise ambiance, mais il y avait des bastons tout le temps. Au bout de 5-10 minutes, il y avait forcément une baston. Nous, ça nous arrangeait, comme on ne jouait pas très bien, personne n'écoutait vu que tout le monde se tapait sur la gueule, on pouvait se lâcher du coup, ce n'était pas grave si on cassait des cordes. Nous, le principe c'était d'arriver et de foutre le bordel, sans méchanceté mais le bordel. Il faut dire qu'il y avait les gars des Halles qui venaient aux concert, il n'y avait pas des masses de concerts skins à l'époque.

Le seul autre groupe où il y avait des skins, c'était La Souris , non ?

Oui, La Souris , on les connaissait depuis longtemps, ils étaient dans le 10ème également, ils étaient même venus au local à une de nos premières répètes. On aurait dû jouer avec eux mais c'était en plein air et il a plu toute l'après-midi.

Et comment vous vous êtes retrouvés sur Paris Mix ?

Un mec avait branché sur une compile. Mais on ne connaissait pas les autres groupes à part Prop'sack. On a donc enregistré les titres pour l'occasion. D'ailleurs le passage de saxo est une complète improvisation, on n'avait jamais joué avec le gars, c'était un copain à Tai-Luc. On a enregistré plus tard deux autres morceaux comme on avait l'occasion mais personne ne nous a proposé de les sortir. Il y avait une bonne dizaine de personnes aux chœurs sur ce deuxième enregistrement. J'étais passé à la batterie, Jean et Jean-Luc était à la guitare. On avait 10-15 titres à l'époque. C'était en 82, et puis on a arrêté ensuite, il n'y avait pas vraiment de débouchés au niveau musical, pour sortir des trucs ou faire des concerts, on restait une bande de voyous, plus qu'autre chose. Personnellement j'ai beaucoup aimé cette période là, mais certaines choses m'ont vite gavé. Un truc que je trouvais vachement bien au départ, a pris un virage qui n'était vraiment pas mon truc, j'ai connu la même chose chez les rocab' d'ailleurs… Pendant Swingo/Bonsergent, on n'a pas vraiment connu ça, les embrouilles politiques qu'on a eues, c'était avec les mecs du Betar, qui sont des fachos, et qui cherchaient l'embrouille à n'importe qui. D'ailleurs, Marco, qui est juif, s'était fait éclater par les mecs du Betar, pour rien.

Et les trucs comme Skrewdriver, tu as connu ?

Oui, j'ai connu le premier album, c'était excellent, mais après il paraît qu'ils se sont barrés dans des trucs fachos, non ?

Nous quand on était skins à Bonsergent, même s'il y avait de la provoc, parfois, il y avait des blacks, des juifs… Il faut savoir, tu es un voyou, et tu ne fais pas de politique ou alors tu es un voyou et tu es tellement cake que tu te fais récupérer par des politiciens qui ont besoin de gros bras et de mecs qui sont un peu fêlés.

Ça s'est arrêté quand Bonsergent ?

En 82-83. Bonsergent et Tolbiac par exemple, ça n'a jamais existé. Il y avait le chanteur, Bruno, des Tolbiacs qui venait nous voir en répète, mais sinon, on n'a jamais traîné avec eux, eux c'était après. Et ce n'était pas du tout le même état d'esprit.

La période à laquelle vous avez joué correspond à l'explosion oi ! en Angleterre, avec Blitz, 4-Skins… Vous suiviez ça ? Vous alliez souvent en Angleterre pour les fringues, les disques ?

Oui bien sûr on a suivi les groupes oi ! de l'époque, on a même été dans le calendrier du Last Resort. Mais on n'allait pas souvent en Angleterre, d'ailleurs pour les fringues, il faut remettre dans le contexte, à l'époque, les fringues il n'y avait pas grand chose. On mettait des rangers, et pour ceux qui avaient des docs, il fallait assurer ensuite, c'était convoité…

Vous avez eu l'occasion de voir les groupes anglais en concert, les premiers concerts de Madness, Specials par exemple ?

Oui, on a vu Madness à Rouen, on avait même fini en boîte avec eux. On était très influencés par les groupes de ska, même si on n'en a jamais fait.

Les gars des Halles ont eu des problèmes de drogue, vous avez connu ça aussi ?

Oui, Yoyo, le chanteur est mort après la fin du groupe d'une overdose à 22 ans.

Vous avez fait des radios. Comment ça s'est fait?

C'était l'époque des radios libres, donc il y avait pas mal de petites émissions. On a fait également un reportage télé. Ils nous avaient interviewés dans un café, après sur le canal St Martin, ils nous ont suivis pendant une après-midi, ils nous payaient des coups alors… Mais je n'ai jamais vu le truc, on ne sait pas ce que c'est devenu. (ndb: il n'a jamais été diffusé à priori, pas besoin de chercher...)

Vous avez continué la musique ensuite ?

Juste après les Swingos, moi et Jean on a joué dans Angel Face, qui était un des tout premiers groupes punk français, en 76. Marco a joué dans le groupe aussi à un moment.