THE TEMPLARS

Tiré de « Une vie pour rien ? » n°4-Mars 1999

Les Templars se forment officiellement en avril 1992 à l'occasion d'un concert où ils assurent la première partie d'un groupe Hard core, mais Phil (batterie) et Carl (guitares/ chant) jouent déjà ensemble depuis 2 ans à ce moment et ont quelques morceaux à eux en plus des reprises que Don, un pote contacté peu de temps avant pour faire la basse, apprendra rapidement. Le nom vient principalement de leur passion commune pour l'histoire et cette période du Moyen Âge, mais ils estiment également à cette période mener d'une certaine façon une croisade pour montrer que être skin n'est pas quelque chose de raciste/ politique. Ils sont alors influencés par des groupes tels que Angelic upstards, Menace, The Clash, Skrew 77, The Strike, Cock Sparrer, The Rings, Criminal Class, SNIX et bien sûr... Little bob Story (!?) et à la différence des groupes américains de l'époque qui font pour la plupart un mélange de oi! et de Hard Core, ils recherchent eux un son oi! traditionnel, proche de celui des vieux groupes anglais, c'est donc naturellement qu'ils appelleront leur première démo en 1993 “Pure Brickwall oi!”. Elle est enregistrée dans leur propre studio, le studio Acre, en fait la cave de Carl où ils feront tous leurs enregistrement jusqu'au dernier album. Don ne joue que pour les concerts, ce qui signifie que jusqu'a l'arrivée de Perry (et même après sur certains enregistrements d'ailleurs) Carl fait également la basse en studio. Ils enregistreront également quelques titres avec des gens de passage à New York comme Riton (WSB) ou Ivano (Asociale, la reprise de Nabat “Lavoro” qu'ils avaient enregistré ensemble est sortie récemment sur la compile EP “Kill the Boyscouts” mais également sur un 45T une face tiré à 500 exemplaires vendu avec le fanzine Pinhead Generation) Peu de temps après la première, sort leur deuxième démo qui est très bien accueillie, ils font une interview dans “un monstre est en moi” (n°2 mars 93), à l'époque le principal skinzine français, ce qui les fera connaître ici au moment où ils sortent leur premier EP “Poor Knights of Acre” , sûrement un des Eps les plus rares des années 90 (tiré à 600 exemplaires seulement et repressé à 666 en 1998. L'année suivante sort le split EP avec Oxblood pour lesquels Phil fait également la batterie. Puis leur premier album sort sur Dim et fait un carton. Le groupe fait à cette période beaucoup de concerts avec notamment Business, Red Alert (avec lesquels ils sortent un split LP) ou bien sûr Oxblood. En 95, Don quitte le groupe et c'est Perry, qui faisait le fanzine “Carry no banners”, qui le remplace. A ce moment, les productions commencent à s'enchaîner, l'album “Phase II” et de nombreux EPs et splits. Il y a une grosse demande et toutes leurs prods sont rééditées. Début 98, le groupe enregistre pour la première fois dans un “vrai” studio, à Atlanta, pour le label GMM qui leur produit l'album “Omné Datum optimun”. Pour finir, le 13 mars 1999, ils viennent nous rendre visite à Beauvais, l'occasion ou jamais de poser quelques questions à ceux qui, en plus d'être le plus productif, sont à notre avis un des meilleurs, sinon le meilleur, groupe oi! des années 90.

Comment avez-vous trouvé le concert de ce soir ? Carl, tu semblais un peu nerveux, est-ce habituel ?

Carl: Le concert était excellent. J'étais nerveux car il n'y avait pas de scène et j'avais peur de prendre le micro dans les dents. Ça m'est déjà arrivé, mais ce n'était pas trop grave. Je connais pas mal de gens qui ont eu des dents cassées dans ces conditions

Comment vous êtes-vous retrouvés à Beauvais? Pourquoi jouez-vous seulement en France, et pas en Allemagne par exemple?

Phil: « France le pays si bon ».

Carl: Philippe Wagner est un ami à nous. Il a organisé le concert, et nous sommes également amis avec Hervé / Gundog. Il était impossible de jouer à Londres ou en Allemagne cette fois-ci et nous ne faisons que ce concert car nous devons retourner à nos études. Mais nous allons revenir et nous en ferons plus.

Vous êtes donc tous étudiants? Perry, tu as l'air plus vieux...

Perry: Oui, j'ai tout lâché pendant quelques années et maintenant je dois retourner à l'école.

C: C'est le grand-père skin, il a 33 ans et toujours aussi motivé!

Sinon, Carl, tu n'avais pas de contacts en Finlande (il a des origines finlandaises)?

C+Ph: Si, mais il y a beaucoup de nazis en Finlande, et puis nous aimons la France.

Ph: Tout le monde en plus connaît les Templars ici grâce à Philippe et la Beauvais connexion. Et nous avons les “fanatiques Templars”.

Justement, sur vos album, vous remerciez la Sèvres connexion, la Bordeaux division mais il n'y a qu'un gars dans chacune des villes...

Ph : Non, pas du tout, Laurent (Bordeaux) et David (Sèvres) sont les généraux mais tout le monde dans ces villes écoute les Templars!

Vous habitez très loin les uns des autres, comment faites vous pour répéter?

C: Nous répétons seulement avant les concerts et nous n'avions même pas répété avant le concert de ce soir. Nous arrivons aux concerts, on joue, et ça marche. Nous ne pouvons pas répéter car Phil habite à New York, Perry à Chicago, et moi à Seattle pour mes études. L'an prochain, j'irai étudier en Finlande donc nous pourrons jouer plus souvent en Europe, il y aura juste à payer le billet d'avion pour Phil et Perry. Nous continuerons à faire comme avant pour écrire des morceaux, c'est à dire que Phil et moi enregistrons les chansons dans mon garage avec un 8 pistes et nous envoyons la cassette à Perry qui trouve quelque chose à mettre dessus à la basse. Ça peut aussi être Perry qui m'envoie des cassettes avec une ligne de basse et des paroles qu'il a trouvées, nous nous adaptons dessus Phil et moi. Quand nous enregistrons, en général, Phil et moi nous improvisons et, si ça sonne bien, nous gardons l'enregistrement. C'est un problème car nous avons des tas de chansons enregistrées que nous n'avons jamais répétées. Nous les avons jouées seulement une fois, donc quand nous voulons les jouer en concert nous devons les réapprendre.

Est-ce que vous jouez toujours les même chansons en concert?

C+Pe: Pas toujours, en général nous mélangeons le set habituel avec deux ou trois nouvelles chansons. Ce soir, nous avons fait deux reprises de groupes français: “Tous ensemble” et “vive la bière, vive la baston et vive le cul”, mais nous ne les avions jamais jouées ensemble, nous avions juste écouté la chanson sur cassette chacun de notre coté.

Combien de chansons avez-vous en tout? Comment faites-vous pour être aussi productifs, spécialement pour écrire autant de textes?

C: 100 et quelques. Nous avons beaucoup de choses dans la tête. Il suffit d'ouvrir un journal et de dire: “cette connerie, on devrait écrire là-dessus. Est-ce qu'on en est capables?”. La chanson “Worth my while” sur Phase II, c'est sur moi dans un bar en train de draguer un fille à qui j'avais parlé toute la soirée, et au moment où le bar a fermé elle m'a dit: “bon, maintenant je vais rentrer chez moi avec mon petit ami”. Ça m'a vraiment énervé et donc j'ai écrit une chanson là-dessus.

Dans une interview, tu disais que le fait d'enregistrer dans votre propre studio, c'est ce qui différenciait les Templars des autres groupes. Mais vous avez enregistré votre dernier album dans un vrai studio, est-ce que tu penses que le groupe va perdre de son originalité?

C: J'ai beaucoup hésité avant d'y aller, je n'étais pas sûr que nous devions le faire. Aujourd'hui encore, quand j'écoute cet album, ce n'est pas vraiment nous, ce n'est pas les anciens Templars, mais c'est bon pour ce que c'est. Nous devons retourner à Atlanta pour juin ou juillet pour réenregistrer dans le même studio, mais nous allons le faire différemment cette fois: un autre son de guitare, avec moins de distorsion, nous allons essayer d'être plus proche de notre ancien son, mais avec une meilleure production. Le prochain album sortira encore chez GMM mais sera différent du dernier. c'était la première fois que nous faisions un album entier en studio. Nous ne savions pas ce que nous en attendions et nous n'étions pas préparés comme nous aurions dû l'être. A présent je sais ce que je veux changer.

Est-ce que vous allez rester avec GMM ou changer pour un plus gros label?

C+Pe: Avec GMM, il nous paye le billet d'avion pour Atlanta et nous paye également pour aller en studio, c'est une bonne offre et nous ne pouvons pas vraiment dire non, mais avec Vulture rock c'est un peu plus relax. Il nous demande juste si nous avons des chansons, si nous en avons nous lui envoyons et si elles sont bien il les sort. Mark de GMM a déjà pressé 5000 CD du nouvel album et il en a déjà écoulé au moins 3000. Vulture rock ne sort que du vinyle, ce qui est plus difficile à distribuer que le CD. GMM peut vendre des CD à des endroits tels Tower records ou Virgin.

Vous êtes collectionneurs de vinyles. C'est pas un problème pour vous d'avoir certains de vos album seulement en CD?

C:Phil est un grand collectionneur de vinyle, mais j'aime le CD car le son est meilleur. Quand j'écoute nos chansons sur vinyle ça sonne différemment que l'enregistrement initial et on perd quelque chose car quand on met les chansons sur vinyle le son est accéléré et ça peut se ressentir sur le disque.

Quels sont vos groupes français préférés et les groupes qui vous ont influencés?

C+Pe: En France, les vieux groupes comme Komintern Sect, Trotskids, Camera Silens sont très bons. De même que les nouveaux: P38, 8°6 Crew, nous les avons vus hier soir avec Hepcat. Ce soir, les Teckels ont très bien joué. Sinon, nous écoutons beaucoup de musiques différentes en plus de la oi!: tout depuis Lynyrd Skynyrd, Led Zeppelin, Hendrix, Celtic and Scandinavian folk music, jusqu'au punk 77, early oi! comme Angelic Upstards, Cockney Rejects et 4-Skins. Il y a également d'autres groupes américains: les premiers Iron Cross, The Effigies, TSOL, Black Flag, et Anti-heroes.

Vous avez souvent dit dans des interviews que vous étiez influencés par Skrewdriver ou Ultima Thule. Est-que ça vous a posé des problèmes par la suite?

C: C'est de la musique. Je ne sais pas pourquoi les gens sont aussi choqués. Si tu es si stupide que la musique te dit quoi penser... Regarde un peu le rap. Si tu écoutes ce qu'ils disent, c'est vraiment stupide et ça n'a aucun sens. Il y a quelque chose dans la musique qui le fait bien. Nous essayons d'être honnêtes, tous les skinheads que je connais écoutent Skrewdriver, ils ne le disent peut-être pas mais je sais que c'est vrai. Ça ne devrait pas poser de problèmes. Beaucoup de ces redskins sont des nazis de gauche, et ne valent pas mieux. Tu peux être un fanatique contre les races différentes ou contre les gens qui n'ont pas la même couleur politique que toi, mais c'est toujours de la haine, seulement une est plus politiquement correcte que l'autre. Chacun a ses propres opinions et c'est heureux, mais on doit respecter les opinions des autres. Si tu ne le fais pas, tu ne fais que pourrir la vie de nous qui voulons juste sortir et avoir du bon temps. Il y a des bagarres et ça peut être justifié, mais pas si tu embrouilles quelqu'un sans raison. Tu peux être redskin si c'est ce en quoi tu crois, mais le problème se pose si tu embrouilles tout ceux qui ne sont pas comme toi. Nous pourrions traîner en cherchant à taper les nazis, mais si nous le faisions, ils seraient toujours nazis après, et ils reviendraient nous chercher, donc quel est l'intérêt?

Vous avez des textes très différents des autres groupes américains, beaucoup plus bourrins (bière et baston)? Avez-vous eu des problèmes dû à la réputation des skins à New York?

C: C'est parce que ce n'est pas notre truc. Nous ne sortons pas pour nous battre avec tout le monde. Certains gars veulent être comme ça, ils chantent donc là-dessus. Je ne vais pas chanter sur quelque chose que je ne connais pas. C'est dur maintenant de trouver des concerts à causes des nombreuses bagarres qui ont éclaté dans le passé aux concerts. A New York, ça fait un an que nous ne pouvons plus jouer nulle part. Les clubs pensent que tous les problèmes viennent d'Oxblood et ils savent que si nous jouons, les gars d'Oxblood seront là puisque ce sont des amis à nous. Ce n'est pas vrai, mais c'est ce qu'ils pensent.

En particulier, dans la chanson “Easy way out” tu dis: “il n'y a pas de fierté dans l'ignorance, la force c'est l'indépendance”

C: C'est moi et ma façon de penser. Pas mal de personnes que je connais étaient tranquilles et je les vois descendre au plus bas dans leur vie, ne plus rien faire, se retrouver morts bourrés et aller foutre le bordel, aller en taule, et finir par mourir. Ils pensent que c'est le trip skinhead, mais pourquoi ils le pensent? Juste parce que c'est écrit dans certains livres ou parce que des groupes ont dit que c'était comme ça qu'il fallait être? (ndlr: ou parce qu'ils l'ont vu dans un reportage télé!?...) Il faut penser par soi-même.

Est-ce que vous jouez beaucoup aux Etats-Unis?

C+Pe: Non, car nous étudions tous et nous travaillons tous. On ne peut pas tout lâcher et partir en tournée. Nous sommes donc très occupés mais nous jouons aussi souvent que possible. Quand nous avons commencé, nous jouions beaucoup, mais le plus souvent à New York et dans le New Jersey. Nous ne le faisons plus maintenant que nous sommes dispersés, mais nous avons réussi à faire 8 concerts l'an dernier. Nous jouons plus en dehors de New-York puisque Phil est maintenant le seul New-Yorkais. L'an dernier, nous avons joué à Washington DC, Atlanta, Georgia, Phoenix, Arizona et 2 fois en Californie: San Francisco et Sacramento.

Comment est la scène New Yorkaise à présent? Est-ce qu'elle est toujours aussi importante qu'il y a quelques années?

C+Pe: NY étais la plus grosse scène, mais ça c'est beaucoup calmé depuis 2 ans, pour la simple raison que les skins les plus vieux sont devenus encore plus vieux. Il n'y a pas tellement de jeunes pour prendre la relève, c'est le problème. J'ai vu tellement de skins venir et repartir. A l'époque, il y avait des groupes comme the Press, the Radicts, Youth Defense League, mais ils se sont arrêtés en 1992. Il y avait également Oxblood, First Strike et Bottom of the barrel.

Quels est le meilleur disque des Templars? Est-ce que vous allez continuer à écrire un nombre aussi important de chansons?

C: Normalement, je ne peux rien écouter des Templars, car c'est moi qui l'aie fait, c'est comme ça, mais quelque fois je suis obligé pour réapprendre les chanson. Nous avons de nombreux titres inédits. Si nous pouvons continuer à les sortir, et si les gens veulent toujours nous écouter, nous continuerons à écrire des chansons. Et quand nous en aurons marre, nous deviendrons un groupe cock-rock metal, aussi longtemps qu'on s'amusera encore. Quelques-uns de nos titres favoris sont: “Easy way out”, “pawns in the game”, et “Land of the morning calm “ , une histoire vraie qui a été écrite par Jeff de 90 Proof. Il étais à l'armée en Corée, le pays du soleil levant. Il a dû quitter sa femme et ses 2 enfants pour passer un an en Corée. Il a écrit la chanson dans l'avion pour la Corée et m'a envoyé les paroles.

 

Concert à Beauvais le 20 mars 1999

Pour la première fois, les Templars jouent en Europe, et cela se déroule, grâce à Phil Wagner encore une fois, à Beauvais. Impossible donc de rater le concert pour nous parisiens, mais nous ne sommes pas les seuls puisque si les skins parisiens sont heureusement au rendez-vous, des provinciaux également, une trentaine d'Allemands, quelques Anglais (comme quoi, tout peut arriver!) et même 2 Suédois qui connaissaient Carl Templars. Le concert, semi-privé (places uniquement disponibles en pré-location, par correspondance et pour quelques uns à Sonic Machine) suite à un problème de salle (le concert devait à l'origine se faire dans une plus grande salle en région parisienne) et probablement de sécurité, se déroule dans la petite salle bien vite bondée d'un bar bien sympathique. La bière n'est pas chère, ce qui aurait pu poser quelques problèmes au moment d'expliquer aux gendarmes pourquoi nous rentrions sur Paris à 6 dans une AX une bière à la main et une cigarette dans l'autre, mais non, même pas bafouillé, quel talent! On commence avec les Teckels, excellent, le meilleur groupe français en ce moment, les parisiens aiment et le montrent, les autres découvrent avec plaisir. Ensuite viennent Stomper 98, les “special guest”, c'est de la oi! allemande adoucie un peu par le saxo. Les Gundog font un bon set pour leurs nombreux supporters français de Bretagne et d'ailleurs… De nombreuses reprises comme d'habitude, Combat 84, Last Resort… et “mémoire d'un skin” de RAS avec leur manager Hervé au chant.

Tout le monde est maintenant prêt pour les Templars. La salle, a du mal à contenir les 140 personnes, la chaleur est sur la fin plus qu'étouffante, il n'y a pas de scène, mais quel concert! Tout les “hits” du groupe y passent, le public répond présent et connaît toutes les chansons, les reprises: “Keep on running” de Crux, le classique “Violence in our minds”, “Vive la bière…” de Skinkorps font bouger toute la salle, mais que dire de “Tous ensemble” de Komintern Sect, jamais un titre n'aura été aussi adapté à la situation: toute le monde chante, à tel point qu'on entend plus la sono, jamais vu ça! Et dire que Carl s'inquiétait avant le concert de ne pas se rappeler des paroles…