TOLTSHOCK

Tiré de « Une vie pour rien ? » n° 5- Mai 2002

 

 

Pourquoi interviewer un groupe sur le point de splitter ? Pour nous Toltshock est LE groupe oi ! français marquant de ces dernières années pour ce qui est de la spontanéité, l'authenticité et la rage, pas étonnant qu'ils aient fait une partie de chemin en parallèle avec les Teckels (concerts, labels entre autre), autre groupe marquant pour d'autres raisons, tellement ils sont complémentaires. Nous avions prévu depuis longtemps de les interviewer, et nous avions de quoi discuter un moment puisqu'il y avait pas mal de choses qu'ils n'avaient pas eu l'occasion d'évoquer jusqu'ici dans les fanzines, il aurait donc été dommage de se priver, et nous l'aurions probablement regretté dans quelques années.

Pour mémoire, le groupe s'est formé début 98 mais prendra sa forme, et son nom définitif un an plus tard avec l'arrivée de François (basse) et Benoit (batterie) aux côtés de Lug (chant) et Franck (guitare), ils sortent peu après un 45T deux titres chez Les Troubadours du Chaos, disque remarqué en particulier pour l'excellente chanson "Brixton Boogie". Puis l'année dernière ils sortent un 25 cm 6 titres chez Coquenais' Revenge. Enfin, la dernière trace vinylique (en attendant leurs dernières prods) sera un 45T une face offert aux 250 premiers arrivés au Club Dunois pour le concert avec Hardskin et les Teckels en janvier 2002, le 45T contient la chanson "Haut les Choeurs prolétaires", inédite, issue de la session d'enregistrement du 25 cm . Discussion à 4, avec Lug et François, côté Toltshock, Ben et David du nôtre.

 

On parlait de la Bretagne tout à l'heure. Entre celui de Scaer (Finistère) et Morville (oi ! en France 2), on va croire que tous vos concerts se finissent en baston.

Les deux concerts l'ont fait, après tu ne maîtrises pas les cornards qui sont dans la salle. Mais bon, ça fait partie du jeu aussi, il y avait Oxblood entre autre, des paroles qui parlent de violence, de mauvais garçons qui font des conneries, il faut s'attendre à ne pas avoir le public de Dorothée...

Justement, la violence, c'est le thème central de Toltshock, aussi bien pour le nom , la musique, les paroles. Ce qui ressort c'est " violence contre mépris ", qu'est-ce que tu en penses?

Lug : Je suis totalement d'accord. Par rapport à plein de groupes traditionnels oi!, on ne chante pas la violence qu'on inflige aux autres, à priori on ne veut de mal à personne, on chante plutôt la violence du quotidien, de nos conditions de travail, les difficultés qu'on a tous à trouver une petite place dans cette société. Et ça, tu prends des mandales, qu'elles soient figurées ou non. On ne parle pas vraiment de confrontation directe avec des gens, déjà on a passé l'âge, et en plus on considère que ça, c'est une fatalité: tu te bas avec quelqu'un, c'est que les circonstances l'imposent mais on ne va jamais aller le chercher.

" Violence contre mépris " (ndb : dans un couplet de la chanson " Au point du jour " entre autre), telles qu'on été écrites les paroles, c'est par rapport à la lutte des classes. On n'est pas spécialement engagés politiquement, mais on a eu suffisamment de difficultés à se faire une petite place, trouver un vrai boulot, à se faire respecter en tant qu'individu. C'est quelque chose sur lequel je ne lâcherai jamais le morceau et je suis persuadé qu'il y a une vraie différence de classe, que les classes ne se mélangent pas entre elles, et encore plus aujourd'hui qu'hier, je ne crois pas aux contes de fées. "Violence contre mépris ", c'est que les gens qui ne veulent pas t'écouter parce que tu ne gagnes pas le même salaire qu'eux, parce qu'ils estiment que tu ne parles pas assez bien, et que de toutes façons tu ne peux pas leur ressembler et que donc tu n'as pas le droit à la parole, et bien il ne comprendront rien d'autre que ton poing dans la gueule.

C'est un petit peu comme le grand débat du moment (on est à 4 jours du premier tour des présidentielles) sur la sécurité, on dirait qu'il n'y a que la violence qu'exerce les " jeunes de banlieue ", elle est où, la violence dont vous parlez vous (dans le travail, le mépris, l'exclusion...), pas dans le parisien en tout cas...

François : J'habite à Trappes, il y a tout un état d'esprit (les concours de quéquette, c'est moi le plus violent, avoir la salope qui suce) que les gars ont en tête, dès gamin, ils se font une idée de ce qu'est la vie qui n'est pas forcément la bonne mais c'est ce qu'ils vivent dans leur quotidien. A partir de ce moment là, les politicards rattrapent tout ça mais les trois quarts de la violence est due a eux.

C'est prendre le problème à l'envers?

F: Exactement, ils ont laissé pourrir des situations, maintenant pour se faire élire ils disent qu'ils vont combattre l'insécurité en créant des prisons pour les gamins ou des choses comme ça.

L: A mon avis ils s'en soucient aussi parce que la violence maintenant est en bas de chez eux, même dans les beaux quartiers, ils ne peuvent plus se mentir à eux même. Mais bon, il y a d'autres trucs dont ils ne parlent pas, c'est qu'il y a des mecs qui vont gagner 50 000 balles et d'autres à côté qui triment avec 6-7000 balles, c'est certainement aussi violent qu'un gars qui va péter un abris bus. La désinvolture avec laquelle les gens qui ne sont pas dans le besoin s'occupent des gens qui sont dans le besoin, c'est ça la violence pour moi.

Est-ce que tu penses que le groupe a un message ? Est-ce que tu peux avoir un impact en faisant cette musique ?

On ne cherche pas à influencer les gens, chacun peut y voir ce qu'il veut. C'est une sorte de défouloir, une réaction violente par rapport à certaines choses. Mais on ne cherche pas à dire " c'est ça la vérité ", si des gens se retrouvent dedans, s'ils y voient un message et le prennent de manière positive, tant mieux, maintenant on n'incite pas les gens à mettre le feu chez les riches... Si on arrive à ce que des gens se disent "je ne vais pas me laisser faire par mon patron cette fois, mes heures sup il va me les payer ou je ne les fais pas", on sera content, c'est ce qu'on pense mais on croit pas avoir la science infuse.

J'ai lu des chroniques justement qui disaient sous forme de reproche, qu'il n'y avait pas à être fier d'être exploité sans en tirer les conséquences, et donc s'engager dans une action politique...

L: C'est là qu'on n'est pas d'accord, la politique, d'abord c'est au quotidien dans la façon dont tu vis ou tu traites tes proches. S'inscrire dans une action bien déterminée, je n'y crois pas vraiment et en plus je crois que tu peux faire un constat tout simple de tes conditions de vie, de travail, même si ça t'amène à les dénoncer, sans t'engager après dans une action politique. J'ai quelques barrières, même si le langage est parfois un peu coloré, en premier lieu de ne parler que de ce que j'ai vécu, on ne se veut pas politique, pour certaines personnes on est trop à gauche, pour d'autres on sera limite à droite parce que justement on ne prend pas d'engagement politique, mais ça je m'en fous, on n'a de compte à rendre à personne.

Pour moi c'est ce qui caractérise la oi!. Tu chantes ce que tu vis au quotidien, après proposer les solution, c'est un autre niveau qui peut d'ailleurs diverger selon les personnes à partir du même constat.

F: Si on avait la solution à nos problèmes, qui touchent je pense pas mal de personnes, on monterait un parti politique, on ne ferait pas de la musique.

L: Les paroles respectent bien une certaine tradition de la oi!, on parle de ce qu'on vit, du bourbier dans lequel on évolue, mais si le message peut être politique d'une certaine manière, il ne joue pas en faveur d'une tendance politique particulière.

Une autre critique que j'ai lu dans des fanzines punks, c'est qu'il n'y avait pas de raison d'être fier d'être exploité.

L : Si tu n'es pas fier d'être exploité, il te reste quoi? Je sais qu'il y a un discours " je reste au lit, j'en suis fier, je vivote ", ça c'est une question de culture, nous on a été élevés dans un milieu où les gens ont toujours travaillé. Depuis tout jeune je travaille, même quand j'étais plus ou moins étudiant. Je n'en fais pas un modèle, c'est personnel, mais je ne démords pas là-dessus, je reste fier d'être ouvrier.

Tu as été en squat au début des année 90. Tu as dû voir des gens qui avaient une autre vision des choses.

L : J'ai toujours travaillé pendant cette période, en assumant les conséquences: en ne dormant pas, en continuant à faire la bringue. Ça a toujours été bien compris par les gens avec qui j'habitais, même si je passais un peu pour un martien.

Et il y avait des skins dans les squats?

L : Il y en avait plein. Notamment un certain nombre de personnes qui avaient été pris dans la tourmente du début des années 80 jusqu'à 86-87 où il n'était pas évident d'être neusk sans être de droite ou d'extrême droite, même s'il y a toujours eu des contre-exemple. Ensuite ça dépend des endroits, il y avait des squats de type totalement utilitaires où il y avait plein de skins et de punks qui cherchaient juste un endroit où dormir. Moi j'habitais dans un endroit qui avait été ouvert de raison, les gens avaient envie de mettre en avant une certaine éthique de vie, un certain mode de vie, et dans ce milieu clairement autonome, on trouvait un certain nombre de skins d'horizons divers ou des gars qui avaient toujours été autonomes dès le début des années 80.

Lug, tu parles souvent de la fierté de trimer dans l'ombre, mais en même temps, tu dis dans une chanson " bosser pour un salaire de misère, pas le choix, c'est ça ou rien ". Est-ce qu'on peut être fier de quelque chose qu'on n'a pas choisi?

L : Ça ne me semble pas être la solution que de s'entêter à foutre le bordel pendant 20 ans, parce que tu penses mériter mieux que de porter des cartons, tu peux aussi être fier de ça. Tu peux te dire que tu ne dois rien à personne, tu n'encules personne derrière. Cette phrase ça représente bien ce que j'ai connu à l'usine. Tu as des tas de gens qui sont embauchés à un poste, qui finiront leur carrière au même poste et qui sont complètement enterrés, on vit dans une société où on achète que des produits finis, on vit dans l'ombre des marque en sachant qu'on gagnera 500 balles de plus dans 10 ans. La fierté c'est aussi d'occuper ce type de place en sachant qu'on est exploité, et sans en avoir honte. C'est être capable de foutre ton poing dans la gueule au gars qui pense que tu es une merde parce que tu portes des cartons. Toute cette histoire de fierté, ça me rappelle toujours ce que disaient certains de nos grands-parents, qu'à une certaine époque, les patrons remerciaient leur ouvriers de bosser pour eux, ils avaient pris conscience que si la boîte tournait c'était parce qu'il y avait des gars qui tapaient sur des enclumes. Enfin, c'est une anecdote, on est d'accord que les patrons n'ont toujours pensé qu'à s'en mettre plein les fouilles.

 

La police, c'est un thème qui revient aussi, dans Toltshock. Sur le premier 45, vous aviez mis des photos tirées des archives de la police au 19eme siècle je crois, pourquoi?

C'est un pur hasard, on a trouvé ça sur un vieux bouquin de photos qui retrace les méthodes de recherche en criminologie. C'était la partie anthropomorphie, avant qu'on découvre le système des empreintes digitales. Ça nous a semblé pas mal, les photos ont le charme d'époque, et les gars ce ne sont pas des grands criminels, plutôt des gars qui ont dû voler des pommes ou qui se sont trompés de chemin, qui ont certainement fait ça pour vivre, ça nous a semblé plutôt touchant. Et puis c'était pour ne pas mettre nos gueules en gros et uniquement nos potes autour.

Et par rapport à la police, "les mecs en bleu" en parlent aussi. Est-ce que ce n'est pas un peu facile de s'en prendre aux flics, comme ça a été fait pas mal de fois dans le punk ou la oi!, et pas à ce qu'ils représentent?

F: Comme disait Lug, on parle de notre quotidien, et même si moins on a affaire a eux mieux on se porte, ça en fait partie. Mais si tu lis bien les paroles, on n'est pas complètement contre la police. On est contre le système que ça peut représenter, on prend aussi le parti du pauvre flic de base, simple employé, qui n'a pas d'heures, pas de vie de famille, et qui finit par se mettre une balle dans la tête.

L: Ça ne me dérange pas de parler d'un sujet qui a déjà été exploité, tout le monde est blasé, on a tous à la maison environ 75 titres qui s'appellent "skinhead" et 12 000 titres qui parlent de la police... Là c'est notre musique et c'est écrit avec nos mots, on laisse notre petit témoignage.

Et Freddy, c'est qui ? le gars de tous les plans foireux? Il existe vraiment?

Oui, il existe vraiment. C'est un ancien skinhead parisien. Certains qui le connaissent bien ont dit que le texte était un peu dur, mais ce n'était vraiment pas le but recherché. C'est un gars qui n'a jamais changé de mode de vie, même si la rue, ça a fini par le bouffer.

Autre chose, à propos de la chanson "Choisis ton camp", dans Cheribibi, Daniel disait que c'était une bonne chanson dont beaucoup devraient s'inspirer (et choisir leur camp), je n'avais pas compris la chanson dans ce sens là...

L : Ce n'est bien sûr pas dans ce sens là, c'est ni à gauche ni à droite même si c'est clair qu'il n'y a pas de fefas dans Tolshock, on a toujours été clairs sur certaines choses. C'est un titre contre tous les dogmatismes, quand tu ne laisses plus penser ton cœur et que tu vas être influencé par le passé des gens, par leurs tatouages, par leur couleur de peau. C'est valable aussi bien pour les gens de droite que les gens de gauche. Je ne règle pas spécialement de comptes, mais je suis un peu lassé de ça, mettre les gens dans des petites boîtes.. C'était pour dire, nous on fait notre route, si ça ne vous plaît pas, tant pis on ne changera pas pour autant. Il y a un fanzine un peu nationaliste qui a trouvé le texte louche, à gauche aussi ils l'ont jugé douteux, mais ce n'est pas un texte pour faire plaisir à qui que ce soit, ce serait nouveau! Un truc marrant, quand tu écris des textes super bateaux (je ne dis pas que les miens sont super, mais ça reflète un minimum de sentiments personnels), où tu ne parles que de tes potes, de tes bretelles... ça ne pose de problème à personne, c'est impeccable, à part un ou deux gars qui vont s'offusquer que tu ne t'engages pas publiquement pour les femmes du Nicaragua. Et dès que tu essaies de dire un peu de trucs, il y en a toujours qui vont se braquer, qu'ils soient de gauche ou de droite. A ce moment, si tu ne fais pas de politique, il faudrait que tu ne racontes que de la merde.

C'est ce qu'ils aimeraient...

Il n'y a pas de raison. Et puis a l'âge qu'on a, on ne va pas parler de la bande de copains dans la rue éternellement.

Vous avez dû avoir des reproche de ce type par rapport aux reprises d'Evil?

Oui, effectivement on a eu des reproches. On a repris “Skinhead girl”, pas en se disant “on reprend un groupe faf”, chacun voit ce qu'il veut voir dans Evil, mais parce que ça nous faisait marrer et tripper pour des raisons autres que politiques. Après certains ont dit "ils reprennent Evil c'est un groupe faf", ou alors " ils reprennent ça à la rigolade, ils ne sont pas assez engagés à droite", ce genre de conneries. Nous, on s'en fout on aime bien cette chanson, elle est marrante, et ce n'est pas pour ça qu'on est misogyne ou qu'on pense ça des femmes quand on chante " reste là, tu n'as rien à dire, c'est moi qui fait la loi". Je veux bien croire qu'il y ait des gars d'extrême droite qui n'ont jamais écouté un disque de ska, et des gars d'extrême gauche qui n'ont jamais écouté un disque de RAC, mais ce n'est pas la majorité. Ça a fait tout un bordel quand on a repris "skinhead girl" sur une péniche sur Paris, mais bon, la moitié de la salle tapait du pied, et tout le monde connaissait les paroles, les gens les moins obtus ont fini par comprendre qu'on l'avait reprise comme ça, que c'était un clin d'œil. On a un certain nombre de limites, mais là on n'a pas dépassé nos limites. En plus, à la base "skinhead girl", c'est pour Agathe, “l'œil de Moscou”...

Vous allez enregistrer une quatrième version de " Brixton Boogie ". Ça venait d'où l'idée de la chanson, puisqu'apparemment il n'y a pas de références aux Clash ?

Non, à part Franck, personne n'écoute les Clash dans le groupe. C'est venu vraiment par hasard, on a improvisé ce morceau, Franck chantait en yogourt, et j'ai dû comprendre " Brixton Boogie ", je ne sais pas comment. Comme j'aime bien le quartier de Brixton à Londres… C'est un quartier chargé d'histoire : le quartier de la communauté antillaise et africaine de Londres, un quartier qui reste assez prolo, qui est plein de contrastes, où en même temps ça sent des pieds et il n'y a pas d'argent et tu vas voir des mecs de la même communauté avec des grosses bagnoles. Et puis surtout c'est un quartier rempli de disquaires afro-antillais où tu peux trouver plein de disques de ska, et bizarrement, dans tout ce bordel, tu as plein de skins qui viennent acheter des 45T qu'ils n'ont jamais vus ailleurs.

Et d'ailleurs vous avez repris un morceaux des Rulers (" Rude boy "), le vieux groupe jamaïcain, comment s'est venu ? Vous n'avez pas précisé que c'était une reprise sur le disque.

Déjà c'est un excellent morceau à la base, et puis les morceaux de musique jamaïcaine, il n'y en n'a pas énormément qui soient facilement adaptables en version oi !, c'était le cas donc on en a profité. On n'a pas mis de crédit parce qu'on ne l'a pas déclaré d'abord, et puis on a retranscrit les paroles à l'oreille, et sur l'enregistrement, vu qu'il y avait des moyens, on entend tout ce que je chante, je suis allé sur un site de ska éditer les paroles, et ça n'est pas du tout ça ! Pour le refrain, on l'a mis a l'envers volontairement bien sûr (à l'origine c'est " don't wanna be a rude boy, just want to be a good boy "), mais le reste c'est n'importe quoi !

Est-ce qu'il y a des paroles d'un groupe que tu aurast aimé écrire, Lug, que tu apprécies particulièrement ?

Certains textes de Wreched ones, c'est toujours super simple, ça va à l'essentiel, et ça rime toujours bien. J'aime aussi la façon d'amener les choses sur certains textes de LSD. Les textes de Charlie des 8°6 surtout sont vraiment terribles, aussi bien en français qu'en anglais, comme " Only one night man " dans la pure tradition rocksteady. Sniff d'Evilskin aussi était un bon parolier, après il donnait aux textes l'orientation qu'il voulait leur donner…

Vous aviez filé un 45T une face tiré à 250 exemplaires au concert avec Hardskin, c'était un peu votre dernier gros concert

Il y a eu la Bretagne après. Jouer avec Hardskin, c'était bien, il y a un truc en plus dans un groupe oi ! anglais, les mecs dans les backstages ont fait un bœuf en acoustique, rien que là, tu as presque l'épaule au garde à vous, il y a un truc que les Français n'ont pas, la façon de faire chanter la musique, tu as tout de suite envie de gueuler avec eux.

Finalement, qu'est-ce que vous tirez comme bilan du groupe ?

Et bien déjà on s'est bien amusés, et puis on a eu la chance de pouvoir sortir deux disques, même si ce n'est pas la fin du monde, partager notre musique c'est quand même une chance. On a eu toujours des gens qui venaient nous voir en concert, on ne peut pas demander grand chose de plus.

Et vous avez participé à une bonne partie des gros concerts oi ! des dernières années.

Oui, pour moi ça découle du fait qu'on a commencé par un disque, avant même d'avoir fait un concert. Le public parisien est blasé et se fait très rapidement une idée, il y a dix ans tu ne faisais pas la fine bouche vu le nombre de groupes, mais aujourd'hui, il suffit d'un ou deux concerts ratés et on tire une croix sur toi. Personne n'avait entendu parler de nous, et ça a fait la bonne surprise, puisqu'on a pondu le bon morceau (Brixton boogie) apparemment et on nous a proposé pas mal de concerts coup sur coup. Pour le 2ème " oi ! en France ", ce n'était pas un coup de chance mais plutôt un coup de malchance pour Stomper 98 qui ont eu un accident et qu'il a fallu remplacer au pied levé. Pas mal de gens nous ont dit qu'il y avait eu la surprise avec le premier 45 mais que le six titres, il était bien mais sans plus. C'est quelque chose qu'on pense nous aussi, on arrivait à une période charnière, et même s'il n'y avait pas eu cette éparpillement des membres du groupe dans toute la France , on arrivait à une période où il aurait été temps d'arrêter. Il faut mieux que les gens disent " c'est con que vous arrêtiez maintenant, c'était bien " plutôt que "ça fait des années que vous auriez du vous arrêter ". On a dit ce qu'on avait à dire.

Pour le deuxième skeud, vous avez enregistré dans un meilleur studio, est-ce que vous étiez plus contents du résultat ?

Le son du dix pouces est un peu plus propre, mais c'est le genre de musique où il ne faut pas se prendre trop la tête avec la technique parce que c'est au détriment de la spontanéité. Pour le prochain enregistrement, on va retomber sur quelque chose de beaucoup plus simple. On enregistre une reprise de Motorhead pour un tribute Allemand où figurent notamment Skinflict, On File, et puis 3-4 autres titres.

Vous allez faire un titre avec une chanteuse?

Oui, il y a un titre sur lequel on verrait bien une chanteuse. Le problème c'est que ces trucs là, c'est bien quand c'est spontané, tu as quelqu'un autour de toi, tu lui demandes et il vient, mais nous on n'a pas ça autour de nous. Alors du coup on a vu une annonce et on a téléphoné. Et là je crains le pire.

Et elle sait ce que vous faites? Elle a déjà écouté?

Non, elle ne connaît pas Toltshock (rires). Apparemment elle cherchait plutôt un groupe pour percer, pour gagner sa vie, je lui ai dit "change de style musical... " Peut-être payé en kro mais bon... Donc elle vient jeudi, on verra. (ndb : Finalement elle n'est pas venue).

Vous êtes sortis sur des petits labels, vous avez pensé à l'autoproduction ?

Oui, pour le 45T une face, mais sinon, non, il faut avoir le temps, l'argent, les contacts. Si on ne nous avait jamais proposé de sortir un disque, je pense qu'on ne se serait pas autoproduit quand même. Et puis, l'autoproduction, ça a un sens au début des années 80 en Angleterre, où un ensemble de gros labels gérait toutes les sorties, je comprends que des groupes se soient dits " on veut être totalement indépendants et faire notre truc". Nous on a des tout petits labels avec des bonnes volontés individuelles, autant en profiter.

Un mot de la fin.

F : Et bien, j'ai fait ça pour le trip sex and rock'n'roll et il n'y a eu que le rock'n'roll.

L : Pour moi c'était une nouvelle jeunesse, ça faisait longtemps que j'avais levé le pied, c'est une manière de garder une petite part de liberté. Quelque chose qui est important et que je n'avais pas bien compris au début : quand on fait un groupe, il faut se faire plaisir et profiter pleinement des petites opportunités, mais accepter que des gens n'aiment pas ce qu'on fait. Parfois il faut se remettre en question mais il faut accepter de ne pas être aimé de tout le monde et ne pas se prendre la tête avec ça.